EUTELSAT ne répond plus, le TAOIT a coupé la ligne !

Le 3 février dernier, le TAOIT (Tribunal Administratif de l’Organisation Internationale du Travail, notre tribunal…) a prononcé un jugement qui, depuis, ne cesse de nous interpeller. Cette décision est de nature à porter gravement atteinte, dans certaines circonstances, aux droits à pensions des fonctionnaires internationaux. Explications d’une affaire aboutissant à une régression sociale.

Fondée en 1982, l’Organisation EUTELSAT entre effectivement en fonction en 1985. Son but est la fourniture du secteur spatial nécessaire à des services publics de télécommunications en Europe. En 1987, une Caisse de pensions est créée afin de subvenir aux besoins futurs des fonctionnaires internationaux recrutés. Suite à la libéralisation du marché des télécoms du début des années 1990, la Commission Européenne préconisa, dès 1993, une réforme des institutions intergouvernementales du secteur spatial. EUTELSAT devait dorénavant viser à inscrire ses activités opérationnelles dans un cadre concurrentiel…

En 1999, c’était décidé : par la volonté des Etats Membres concernés, EUTELSAT transférait en 2001, d’un coup de baguette juridique, tout le personnel, les activités opérationnelles et l’entier du bilan, pensions comprises à Eutelsat SA, société de droit privé français ! EUTELSAT n’est, depuis lors, plus représentée que par son « Assemblée des Parties », l’équivalent de notre Conseil au CERN, et de son secrétariat.

C’est donc cette « Assemblée » qui a décidé, souverainement, que la Caisse de pensions serait transférée à un trust soumis au droit de Guernesey (îles Anglo-Normandes). Ce nouveau régime de pensions était destiné à être fermé, c’est-à-dire qu’il ne devait concerner que les fonctionnaires (et leurs familles) déjà à la retraite ainsi que ceux totalisant plus de cinq années de service.

En 2001 déjà, puis en 2005, des retraités d’EUTELSAT entamèrent des démarches pour protester contre la perte des mécanismes de garantie et d’indexation de leur pension en vigueur dans l’ancien régime, contre un autre, bien plus aléatoire. Face à ces plaintes mais dans l’impossibilité de pouvoir désormais tenir une audience de recours interne, faute de personnel, EUTELSAT accepta néanmoins que les plaignants présentent leurs griefs devant le TAOIT. C’était bien la moindre qu’elle pouvait faire ! En voici le jugement, maintenant.

Sa juridiction n’étant ouverte qu’aux litiges qui opposent fonctionnaires internationaux et Organisations internationales, le TAOIT se déclare incompétent pour juger du cas de retraités d’une actuelle société de droit privé français ! Inutile d’entrer dans les détails de cette longue procédure, prenons plutôt la mesure de cette décision par rapport à notre propre situation. Le réveil est brutal !

C’est d’abord la profonde amertume que laisse un tel jugement, un sentiment d’abandon total. Etre fonctionnaire international retraité et se voir opposer un argument de forme pour être débouté de cette qualité, quelle cruelle déception ! S’il est juridiquement valable, il est moralement inacceptable et c’est bien cela qui nous choque ! Imaginez un instant, que cela vous arrive. Mais non, ce n’est pas possible ! Et bien, lisez la suite !

Au CERN, en cas de dissolution de l’Organisation, il est prévu de transférer les fonds des bénéficiaires de la Caisse de Pensions à une Fondation de droit privé suisse, après mise en équilibre financier. Mais rien de plus, aucun mécanisme d’indexation n’est prévu par la suite. Quelques années plus tard, la grogne aurait tôt fait de s’installer, et des plaintes surgiraient sans doute.

Hélas, tout indique, notre juriste avec, qu’en cas de litige, nous nous retrouverions dans la même situation que nos collègues d’EUTELSAT, sans interlocuteur responsable. De même pour la garantie. Actuellement nos pensions sont garanties par le CERN, et c’est bien là le problème ! En cas de dissolution de l’Organisation, le CERN disparaîtrait avec sa garantie. A ce jour, aucun texte officiel ne prévoit d’engagement explicite d’un ou des Etats Membres d’avoir à faire face à une obligation envers les pensionnés du CERN, une fois celui-ci dissout. Bref, le CERN doit continuer à exister, sinon… ?

Cette affaire fait beaucoup réfléchir et nous conduit à conclure en redisant ce que nous proclamons depuis longtemps : que l’avenir du CERN passe par l’excellence de son personnel. C’est la condition indispensable pour arriver vainqueur de la course mondiale à l’attribution d’une future machine, seule garante d’activité à long terme de notre Laboratoire. Pour maintenir l’excellence requise par cette ambition, une seule réponse : des conditions d’emploi attractives pour tous les ressortissants de nos Etats Membres. Celles-ci comprennent salaires, assurance maladie et pensions.

Cela tombe très bien, car nous sommes en pleine Révision quinquennale. D’ici à quelques mois, nous pourrons juger sur pièce de la volonté du Conseil à permettre au CERN de rester ce qu’il est devenu aujourd’hui : un centre d’excellence. Peut-être devrons-nous l’aider un peu à prendre de bonnes décisions. L’Association s’y prépare, mais cela ne sera possible qu’avec votre plein soutien. C’est seulement tous unis que nous réussirons à garantir l’avenir du CERN et par-là, le nôtre et celui de nos familles, sans devoir mener par la suite de mauvais procès, perdus d’avance !
 

par Association du personnel