En petit comité

L’hôtel Métropole à Bruxelles est un lieu de conférence légendaire dont le nom parle certainement à tous les physiciens. Un siècle après la première réunion du Conseil de physique Solvay, un groupe représentant les plus grands physiciens de la planète s’est de nouveau réuni en octobre dernier dans le Salon Excelsior pour évoquer « La théorie du monde quantique ». Trois membres du groupe Théorie du CERN étaient invités. L’un d’entre eux, Gian Giudice, nous fait partager ses impressions et ses réflexions sur cette conférence rassemblant un public choisi.

 

Les participants de la 25ème conférence Solvay de physique, à Bruxelles. Photo fournie par International Solvay Institutes.

« Dans la tradition des conférences Solvay, il s’agit d’une réunion ouverte à la discussion, ponctuée de quelques présentations de rapporteurs ». C’est ce qu’indique l’introduction du programme scientifique de la Conférence de physique Solvay. Toujours selon ce programme, les rapporteurs ont droit à 30 minutes de parole, l’objectif étant de susciter une discussion avec le public. Et si vous consultez la liste des rapporteurs, vous allez trouver des noms très illustres dans le monde de la physique. Des prix Nobel pour la plupart.

Gian Giudice, Ignatios Antoniadis et Gia Dvali, tous membres du groupe Théorie du CERN, et Gabriele Veneziano, ancien membre du personnel du CERN, figuraient parmi les invités. Gian Giudice avait également été invité à évoquer brièvement les leçons tirées des recherches sur le Higgs au LHC. « Les discussions intenses entre les participants sont le point fort de cette conférence unique en son genre, souligne Gian Giudice. Les participants sont seulement trois fois plus nombreux que lors du premier Conseil de physique Solvay, il y a de cela cent ans. Si l’on songe que le nombre de physiciens en physique quantique a été multiplié au moins par cent, on mesure les efforts déployés par les organisateurs pour préserver la qualité des discussions. »

En 1911, la première conférence Solvay réunit les plus éminents physiciens de l'époque. Parmi eux, Marie Curie, Albert Einstein, Max Planck, Henri Poincaré et Ernest Rutherford. (Source de l'image.)

Si la physique quantique n’en était qu’à ses débuts il y a un siècle, elle est devenue aujourd’hui une sorte de cadre regroupant différentes disciplines : gravité quantique, calcul quantique et matière condensée quantique. « La nature interdisciplinaire de la conférence est une autre caractéristique importante, observe Gian Giudice. Les discussions ont lieu entre des personnes qui ne participent pas nécessairement aux mêmes types de recherche, ce qui rend les échanges toujours très enrichissants. Si la physique quantique a considérablement évolué au cours des cent dernières années, la vivacité des discussions entre physiciens théoriciens est, elle, restée inchangée. »

Cette année, l’une de ces discussions enrichissantes a porté sur une question estampillée CERN : les inégalités de Bell. « John Bell a travaillé au CERN. Ses travaux sur l’intrication quantique ont beaucoup contribué à approfondir notre compréhension du monde quantique », souligne Ignatios Antoniadis, chef du groupe Théorie.

L’élargissement du domaine scientifique n’est pas la seule différence que constate Gian Giudice lorsqu’il compare le premier Conseil de physique Solvay à la 25ème conférence Solvay organisée cette année. « Il y a cent ans, la physique quantique était essentiellement une affaire européenne ; elle est désormais internationale. La majeure partie des participants cette année venait des États-Unis, mais il y avait aussi, par exemple, d'éminents physiciens d'Inde », observe-t-il.

Si la discipline a élargi ses frontières, la parité n’a pas beaucoup progressé. « Le premier Conseil Solvay ne comptait qu’une seule femme : Marie Curie. Cette année, alors que les participants étaient trois fois plus nombreux, seules deux femmes étaient présentes, confirme Gian Giudice. La physique théorique reste un monde d’hommes. Les choses devraient, on l’espère, changer à l’avenir ». À bon entendeur !

Les Conseils Solvay

Les Conseils Solvay ont été créés en 1911 par l’inventeur, homme d’affaires et philanthrope Ernest Solvay. La première conférence, aujourd’hui légendaire, s’intitulait : « Conseil Solvay sur la radiation et les quanta ». La conférence, présidée par Lorentz, accueillit Einstein, Planck, Rutherford et bien d’autres encore. Ce fut l’une des premières conférences internationales jamais organisées. Les Instituts Solvay sont aujourd’hui une organisation sans but lucratif dirigée par un Conseil, qui élit un directeur. Les Comités scientifiques internationaux Solvay assistent le directeur et sont responsables de l’organisation des Conseils Solvay, notamment du choix des participants. Le président du Comité scientifique pour la physique est David Gross, prix Nobel de physique 2004.

Les conférences Solvay ont lieu à intervalles irréguliers. Pour en savoir plus sur les différentes conférences ainsi que sur les autres activités des Instituts Solvay, voir ici.

 


par Antonella Del Rosso