Où est SUSY ?

Les informations récentes fournies par les collaborations du LHC, la masse relativement faible du nouveau boson et d’autres données provenant d’expériences du monde entier qui traquent la matière noire, imposent de nouvelles contraintes à l’existence de la supersymétrie (SUSY). Cependant, un grand nombre de scientifiques continuent de penser que les particules supersymétriques sont bien une réalité. Nous avons peut-être cherché SUSY là où elle n’était pas, comme lorsque nous cherchons au mauvais endroit un objet égaré…

 

Saurez-vous décoder ce rébus ?... Image : Caroline Duc.

Pour l’instant, SUSY est « seulement » un modèle physique théorique, qui pourrait régler des problèmes au-delà du Modèle standard en expliquant la matière noire et d’autres phénomènes de l’Univers. Toutefois, SUSY n'a pas encore été observée, et si elle se cache, c’est peut-être parce qu’elle se présente sous une forme différente de ce qu’escomptaient les physiciens encore récemment. « À l’heure actuelle, il n’y a aucune preuve de l’existence de SUSY, mais les données expérimentales ne l’ont pas exclue non plus. De nombreuses recherches se sont concentrées sur des versions simplifiées de la théorie mais, au vu des dernières informations que nous recevons des expériences, les théoriciens devraient repenser notre manière de la chercher, tant aujourd’hui que dans le futur, explique John Ellis, professeur au King’s College de Londres et professeur invité dans le groupe Théorie du CERN. SUSY pourrait se cacher ailleurs ; nous pourrions être passés à côté, ou elle pourrait se situer plus loin sur la route que suit le LHC. »

Un groupe de scientifiques, parmi lesquels John Ellis, a récemment soumis à l’European Journal of Physics C un article sur la supersymétrie : « Nous avons combiné les informations provenant des expériences ATLAS, CMS et LHCb du CERN, ainsi que celles de l’expérience XENON100, qui traque la matière noire, tout en faisant l’hypothèse que le nouveau boson découvert, qui possède une masse d'environ 125 GeV, est effectivement le boson de Higgs. Dans cet article, nous examinons comment ces informations peuvent être combinées pour fournir de nouvelles estimations des masses des particules supersymétriques. Avant l’arrivée du LHC, ajoute-t-il, les données de basse énergie, en particulier celles des expériences sur le (g-2) du muon, laissaient espérer que SUSY pourrait être découverte au LHC durant la première année d’exploitation. Ça n’a pas été le cas. »

Cela signifie-t-il que le LHC ne pourra pas découvrir SUSY, si elle existe ? « Non, répond John Ellis. Si le boson récemment découvert est bien le boson de Higgs, certaines particules supersymétriques pourraient encore être accessibles pour les expériences du LHC. » Autrement dit, les scientifiques peuvent continuer de chercher SUSY, même si les données indiquent que les masses à envisager sont plus élevées que prévu à l'origine. « Si les masses des particules supersymétriques se situent dans la partie basse ou moyenne de la gamme encore admise par les modèles simplifiés, nous pouvons peut-être espérer les découvrir lorsque le LHC fonctionnera près de son énergie nominale, de 14 TeV. Sinon, nous pourrions avoir besoin d’une machine différente », explique John Ellis.

Et n’oublions pas que SUSY pourrait aussi être découverte « indirectement », car des déviations du comportement de particules connues, par rapport aux prévisions du Modèle standard, pourraient tout à coup montrer aux scientifiques où elle se trouve. Il reste encore beaucoup de recoins à explorer !

par Antonella Del Rosso