Un nouveau « suspect » pour l’asymétrie matière-antimatière

L'Univers étant dominé par la matière, l’observation de nouveaux processus faisant apparaître une asymétrie entre la matière et l’antimatière permet aux scientifiques de vérifier leurs théories et, le cas échéant, d’explorer de nouveaux territoires. La collaboration LHCb a observé récemment des asymétries matière-antimatière dans les désintégrations du méson B0s, qui devient ainsi la quatrième particule connue présentant une telle propriété. 

 

Le détecteur VELO : un élément crucial pour l’identification des particules à LHCb.

La quasi-totalité ou presque des processus de physique connus des physiciens présentent une symétrie parfaite, que ce soit du point de vue de la charge (particule / antiparticule) ou de la parité (droite / gauche), de sorte qu’il devient extrêmement difficile d’expliquer pourquoi l’Univers n’obéit pas à cette symétrie et préfère de loin la matière à l’antimatière. Les processus qui violent cette symétrie sont rares et les scientifiques s’y intéressent de près.

Dans les années 60, James Cronin et Val Fitch, lauréats du prix Nobel, ont observé pour la première fois une violation de la symétrie CP dans les kaons neutres. Quarante ans plus tard environ, les expériences BaBar au SLAC (États-Unis) et Belle au KEK (Japon) observaient le même phénomène pour le méson B0 (composé d’un antiquark b et d’un quark d). Plus récemment, des expériences menées auprès d’usines à B ainsi que LHCb ont découvert que le méson B+ (composé d’un antiquark b et d’un quark u) lui aussi ne se comportait pas de la même manière que son antiparticule.

À présent, la collaboration LHCb vient de découvrir une asymétrie du même ordre concernant le B0S (composé d’un antiquark b et d’un quark s). « Nous avons analysé un échantillon de données collectées par l’expérience en 2011 correspondant à une luminosité intégrée de 1 fb-1, explique Pierluigi Campana, porte-parole de la collaboration LHCb. Les précédentes expériences auprès d’usines à B et du Tevatron n’avaient pas la possibilité d’accumuler des échantillons suffisamment importants de désintégrations de B0s. Grâce au volume de données du LHC et aux capacités du détecteur LHCb d’identifier des particules, on a pu observer pour la première fois une violation de CP dans la désintégration B0s-> K-π+ avec une signification statistique de plus de 5 sigmas. »

Tous ces phénomènes de violation de CP peuvent s’expliquer en intégrant dans la théorie du Modèle standard le mécanisme de Cabibbo-Kobayashi-Maskawa (CKM) de mélange des saveurs des quarks ; toutefois, certains écarts intéressants appellent des études plus détaillées. « La même théorie nous apprend que la somme des effets dus à la violation de CP du Modèle standard est trop faible pour expliquer la prépondérance de la matière dans l’Univers, conclut Pierluigi Campana. En étudiant les effets de la violation de CP, nous recherchons les pièces manquantes du puzzle qui puissent confirmer la théorie et nous mettre sur la voie d’une physique au-delà du Modèle standard. » 

par Antonella Del Rosso