Augmenter la lumière au bout du tunnel

À quelques mois du redémarrage du LHC, le futur de l’accélérateur est plus que jamais d’actualité. En juin dernier, le Conseil du CERN a en effet officiellement approuvé, dans le cadre du plan à moyen terme, la construction du LHC haute luminosité (HL-LHC), son successeur, qui devrait prendre le relais dès 2025.

 

Photo de groupe aux rencontres annuelles HiLumi LHC/LARP, 2013.

« Nous venons de franchir une étape importante du processus d’approbation du HL-LHC, se félicite Lucio Rossi, coordonnateur du projet. L’aventure avait commencé en 2010, avec la création du projet. En 2011, nous avions obtenu un financement de la Commission européenne dans le cadre du septième programme-cadre (FP7) pour notre étude de conception. En 2013, le Conseil du CERN avait approuvé le projet comme prioritaire lors de sa session spéciale sur la stratégie européenne pour la physique des particules. Et enfin, cette année, la priorité accordée au projet HL-LHC dans le programme scientifique et financier du CERN a été confirmée lors de l’approbation par le Conseil du plan à moyen terme (MTP) pour les années 2014 à 2019. Le Conseil a pris note par ailleurs du coût total du projet jusqu’en 2025, coût qui a été mentionné, pour information, dans le MTP. Tout cela est très positif et permet au CERN et à ses partenaires de préparer un plan à long terme pour la mise au point des technologies et la mise en œuvre du projet. »

Porté par une collaboration internationale réunissant le CERN et de nombreux laboratoires européens, américains et japonais, le projet HL-LHC a pour objectif de relever la luminosité nominale du LHC - autrement dit sa capacité de production de collisions utiles - d’un facteur 5 à 10 (5 pour le pic de luminosité, 10 en considérant la luminosité intégrée). Le boson de Higgs* et d’autres nouvelles particules pourraient ainsi voir leurs statistiques de production augmenter, ce qui facilitera leur analyse. Bien sûr, en parallèle, des améliorations devront être apportées à la chaîne des injecteurs du LHC (projet LIU - LHC Injectors Upgrade) et aux détecteurs des expériences ATLAS, CMS, ALICE et LHCb, qui devront suivre la cadence imposée par le collisionneur.

Pour faire du LHC un HL-LHC, seul 1,2 km de l’actuel accélérateur sera remplacé (principalement aux points 1 et 5). Reposant sur des technologies innovantes, pour la plupart encore en développement, les nouveaux équipements (voir encadré)  seront installés dans le tunnel lors du troisième arrêt technique (LS3), à partir de 2022. Grâce à cette cure de jouvence technologique, la vie du LHC pourra être prolongée d’une dizaine d’années, jusqu’en 2035.

À la pointe de la technologie

Les aimants courts des nouveaux quadripôles triplets internes (SQXF) composés du supraconducteur au Nb3Sn. Ces aimants sont actuellement en construction au CERN par le groupe TE-MSC.

Cruciaux pour le futur HL-LHC, quatre éléments sont actuellement en cours de développement au CERN et dans ses laboratoires partenaires :

  • de nouveaux aimants supraconducteurs en niobium-étain (Nb3Sn). Développés par la collaboration US-LARP (LHC Accelerator Research Program) et le CERN, ces quadripôles (triplets internes) pourront atteindre plus de 12 teslas (contre 8 teslas pour ceux du LHC). La collaboration développe également des dipôles de 11 teslas (ceux du LHC sont limités à 8,3 teslas) pour loger le nouveau système de collimation dans l’arc du LHC ;
  • de nouvelles cavités radiofréquence : les cavités en crabe, une technologie encore jamais utilisée dans un accélérateur de protons, actuellement développée par le CERN, en partenariat avec US-LARP et une collaboration anglaise regroupant l’Université de Lancaster, le Science & Technology Facilities Council (STFC) et l’Institut Cockcroft ;
  • une nouvelle génération de collimateurs développés par le CERN avec de nombreux partenaires européens : l’Université de Manchester, la Royal Holloway University de Londres, l’Université de Huddersfield (UK) et le Conseil supérieur de la recherche scientifique de Valence (Espagne) ;
  • de nouveaux câbles supraconducteurs à base de diborure de magnésium (MgB2) , capables de transporter des courants électriques de 20 à 150 kA. Ceux-ci permettront de déplacer vers la surface les convertisseurs de puissance qui se trouvent actuellement dans le tunnel du LHC, ce qui facilitera grandement les interventions techniques. Ils sont actuellement développés par le CERN avec l’Université de Southampton, l’INFN et l’entreprise Columbus de Gênes.

 

Reposant sur de nouvelles technologies supraconductrices, ces éléments joueront un rôle déterminant pour le futur de la physique des particules expérimentale car, au-delà du HL-LHC, ils équiperont aussi les accélérateurs de demain.

 


* Pour en savoir plus sur les perspectives de recherche des expériences ATLAS et CMS au HL-LHC, lisez les comptes rendus de la 37e Conférence internationale de physique des hautes énergies (ICHEP) : ici pour ATLAS, pour CMS.

par Anaïs Schaeffer