Linac4 : ça coule de source

Les travaux de réalisation de la source d’ions du Linac4, le nouvel accélérateur linéaire que construit le CERN dans le cadre du projet d’amélioration des injecteurs du LHC, touchent à leur fin. Retour sur un élément essentiel, conçu et produit au CERN.

 

 

Cette photo montre la source d'ions H- du Linac4. La lumière rouge est la ligne alpha du spectre d'émission dans le visible de l'hydrogène.

La source d’ions est le premier élément du Linac4, l’accélérateur linéaire qui, à partir de 2018, fournira des ions H- (atomes d’hydrogène dotés d’un électron supplémentaire) de 160 MeV destinés à être injectés dans le complexe d’accélérateurs.

Être « la » source d’ions du CERN suppose une excellente fiabilité, qui s’obtient par la compréhension des mécanismes de production, la simulation des processus de physique et leur validation expérimentale. « Cette source est le résultat de fructueuses collaborations, confirme Jacques Lettry, membre du département BE. Pour la concevoir, nous nous sommes inspirés de toutes les sources de ce type qui existent dans le monde, y compris les sources des injecteurs neutres prévus pour alimenter la fusion nucléaire d’ITERDès 2010, des experts de différents instituts(1) nous ont fait profiter de leurs outils de simulation, ainsi que de leur vaste expérience, pour inspirer nos choix. »

À ce jour, ce sont 23 étudiants et boursiers, totalisant plus de 30 années-personnes, qui ont mené à bien la simulation détaillée de tous les processus qui ont lieu à l’intérieur de la source. La conception et la production des prototypes ont bénéficié de contributions majeures de plusieurs départements et services du CERN.

À l’intérieur de la source, les ions H- qui constituent le faisceau trouvent leur origine dans un plasma d’hydrogène. Une technologie d’ultra-vide assure la pureté de l’hydrogène et une injection pulsée la densité favorable à l’allumage du plasma. Le plasma est chauffé entre 11 000 et 13 000 degrés Celsius par quelques dizaines de kilowatts d’une radiofréquence (RF). Les atomes (neutres) d’hydrogène présents dans le plasma viennent heurter une couche extrêmement fine de césium (idéalement, d’une épaisseur de 0,6 couche monoatomique) déposée sur une électrode ; ils présentent alors une certaine probabilité d’arracher un électron au passage, formant ainsi un ion H-, qui est ensuite extrait par un champ électrique positif. « La qualité et la pureté du faisceau extrait dépendent de la capacité de supprimer les électrons présents en nombre dans le plasma, explique Jacques Lettry. Dans notre source, ce sont les ions émis par la surface recouverte de césium(2) qui permettent de réduire fortement le nombre d’électrons extraits. Le césium est un élément alcalin qu’il convient de manipuler avec un certain nombre de précautions, mais nous avons démontré que les options sans césium ne permettent pas d’atteindre l’émittance spécifiée par le projet, même pour une intensité de 50 mA. »

Désormais, la source et tous les systèmes y afférents – le chauffage RF, l’injection du gaz, la production de faisceau, son extraction – ont été testés avec succès et l’ensemble est prêt pour la phase de conditionnement. « La source sera installée dans le tunnel du Linac4 dans les prochaines semaines et, à partir du mois d’août, nous pourrons commencer à tester le DTL(3), à la sortie duquel les particules auront une énergie de 50 MeV, explique Alessandra Lombardi, responsable de la phase de conditionnement du Linac4. Nous serons alors prêts à remplacer le Linac 2 en cas de nécessité. »

Le planning du Linac4 prévoit ensuite l’installation des autres cavités RF ; des faisceaux de 100 MeV devraient être produits vers la fin de l’année 2015 et ce n’est qu’en 2016 que l’énergie finale de 160 MeV sera atteinte.


(1)BNL, SNS, ISIS, J‑PARC, IPP-Garching, ainsi que les universités d’Augsbourg (D), Keio (Jp), Jyväskylä (Fin) et Orsay (F).

(2)Pour un approfondissement, voir G.I. Belchenko, Yu.I. Dimov and V.G. Dudnikov. Nucl. Fusion, 14 (1974) 113.

(3)Drift Tube LINAC.

par Antonella Del Rosso