La découverte dévoilée

Presque un siècle exactement après la publication de l’article d’Einstein sur la relativité générale, les collaborations LIGO et Virgo publient un article dans lequel elles rapportent l’observation d’un signal gravitationnel issu de la fusion de deux trous noirs. Ce signal, observé avec une signification de 5 sigmas, constitue la première observation directe d’ondes gravitationnelles.

 

Le jeudi 11 février, Barry Clark Barish, l'un des pères de LIGO, a présenté les derniers résultats de l'expérience dans un amphithéâtre bondé.

Pour nous représenter des ondes gravitationnelles, nous pouvons imaginer des vaguelettes dans l’espace-temps, le matériau qui compose l’Univers. Einstein avait prédit en juin 1916, dans un article visionnaire, que les masses déforment l’espace-temps et que tout changement de leur position entraîne par conséquent une distorsion se propageant à la vitesse de la lumière, c’est-à-dire des ondes gravitationnelles.  

Ce n’est qu’en 1975, près de 60 ans plus tard, que Russel Hulse et Joseph Taylor, lauréats du prix Nobel en 1993, ont pu déduire de façon expérimentale l’existence des ondes gravitationnelles, en observant le système binaire de l’étoile à neutrons PSR1913+16, dans lequel la période orbitale du pulsar a décru au fil des années : cette mesure correspondait parfaitement à la perte d’énergie, sous forme d’ondes gravitationnelles, prédite par la relativité générale. Il a toutefois fallu attendre encore 40 ans pour la première observation directe : un magnifique signal, d’une forme parfaite, issu de la collision inimaginable de deux trous noirs ayant des masses d’environ 36 et 29 fois celle du Soleil.

Le signal a été enregistré par les interféromètres de LIGO le 14 septembre 2015, au début de leur nouvelle exploitation, qui faisait suite à une longue campagne d’amélioration réalisée entre 2010 et 2015. Ce signal gravitationnel, le tout premier jamais observé, consiste en une distorsion qui s’intensifie et atteint une fréquence plus élevée à mesure que les trous noirs avancent en spirale vers le point de collision, puis s’affaiblit à nouveau après la collision, une fois qu’une partie considérable de l’énergie initiale s’est dissipée en ondes gravitationnelles.

Mais n’allez pas imaginer une immense explosion ! Il n’y a pas d’air dans ces contrées, et donc aucun bruit (le son est une vibration, c’est-à-dire une onde mécanique, qui a besoin d’un milieu pour se propager) et, à part des ondes gravitationnelles, rien, pas même la lumière, ne peut s’échapper d’un trou noir. Tout s’est donc déroulé, de notre point de vue, dans l’obscurité et le plus grand silence. Un tel événement ne peut être « vu » qu’à travers la perturbation gravitationnelle qu’il cause. En d’autres termes, nous disposons à présent d’un instrument extrêmement puissant pour étudier certains événements se déroulant dans l’Univers, qui nous étaient invisibles jusqu’ici. Vous n’avez pas non plus à craindre que cette catastrophe arrive près de chez vous : d’après l’article, elle a eu lieu à environ 1 000 millions d’années-lumière de la Terre. Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle inquiétante, mais au contraire d’une immense découverte pour l’humanité.
 

LIGO, Virgo, et compagnie

Les équipes travaillant sur les interféromètres LIGO aux États-Unis, Virgo en Italie et GEO600 en Allemagne collaborent depuis 2004, et ont signé en 2007 un mémorandum d’accord pour analyser ensemble leurs données et échanger leurs technologies. L’article dont il est question ici est signé conjointement par ces trois collaborations.

D’autres interféromètres sont actuellement en cours de développement dans le monde : KAGRA, en construction au Japon, le projet Indigo, présenté par le gouvernement de l’Inde, et, dans une perspective à plus long terme, le Télescope Einstein, qui sera situé sur la surface de la Terre, et l’observatoire LISA, qui sera en orbite dans l’espace.

Le principe de base d’un interféromètre laser consacré à l’observation directe des ondes gravitationnelles repose sur une structure en « L » : l’onde gravitationnelle produit une distorsion de la métrique locale, de sorte que l’un des axes de l’interféromètre s’allonge, tandis que l’axe orthogonal rétrécit. L’écart de longueur observé entre les deux « bras » du « L » oscille suivant la fréquence de l’onde gravitationnelle.

 

par Antonella Del Rosso