Le Linac 4 passe la barre des 100 MeV
Le nouvel accélérateur linéaire, qui deviendra le premier maillon de la chaîne des accélérateurs en 2020, a franchi une nouvelle étape de sa mise en service.
On n'aurait pu rêver date plus appropriée. Le 1er juillet (1.07), une énergie de 107 MeV était atteinte dans le Linac 4. En dépassant la barre des 100 MeV, l’accélérateur linéaire est entré dans la dernière ligne droite de sa mise en service. « Cette étape a été très rapide, elle a duré moins de deux semaines », se félicite Alessandra Lombardi, chef adjointe du projet Linac 4, responsable de la mise en service.
En 2020, le Linac 4 prendra la place de l’actuel Linac 2, comme premier maillon de la chaîne des accélérateurs. Il accélérera des faisceaux d’ions H- (des protons entourés de deux électrons) à 160 MeV, contre 50 MeV pour l’actuel Linac 2.
La nouvelle machine est particulièrement sophistiquée puisqu’elle est formée de quatre types de structures accélératrices : les particules sont successivement accélérées à 3 MeV par un quadripôle radiofréquence (RFQ), à 50 MeV par des linacs à tube de glissement (DTL), puis à 100 MeV par des linacs à tube de glissement à cavités couplées (CCDTL), et enfin à 160 MeV par des structures en mode PI (PIMS).
Fin 2015, le Linac 4 accélérait pour la première fois des faisceaux à 50 MeV, l’énergie du Linac 2. Pour franchir l’étape actuelle, l’équipe du Linac 4 a mis en marche les deux derniers types de structures accélératrices, les CCDTL et les PIMS. L’ensemble des sept cavités CCDTL a été testé, ainsi qu’une des douze cavités PIMS. « Nous avons ainsi pu vérifier que l’ensemble de la chaîne d’accélération fonctionnait », souligne Jean-Baptiste Lallement, membre de l'équipe en charge de la mise en service.
L’équipe est particulièrement satisfaite d’avoir mis en route les cavités CCDTL, d’une conception innovante, qui sont utilisées pour la première fois dans le monde. Elles fonctionnent sur le même principe que les linacs à tubes de glissement (DTL). Les particules traversent une succession de tubes séparés par des intervalles. Entre deux tubes, elles accélèrent sous l’effet du champ électrique et pénètrent dans le tube suivant quand le champ oscillant change de sens. Ainsi abritées, elles glissent jusqu’au prochain intervalle où le champ est à nouveau accélérateur.
La différence entre les DTL et les CCDTL réside dans la focalisation. Pour resserrer les paquets de particules, les cavités DTL sont dotées d’aimants permanents nichés dans les tubes. « Mais c’est une solution assez onéreuse et comme les aimants permanents sont dans l’enceinte à vide, les possibilités d’intervention sont limitées », explique Maurizio Vretenar, chef du projet Linac 4.
À plus haute énergie, une nouvelle solution pouvait être envisagée : intercaler des aimants quadripôles entre deux séries de tubes, à l’extérieur de l’enceinte à vide. « On peut ainsi utiliser des électro-aimants et régler le champ magnétique pour améliorer la focalisation », poursuit Maurizio Vretenar. La maintenance est de surcroît facilitée et le coût de fabrication est moins élevé.
La conception initiale des cavités CCDTL, avec des cellules de couplage très spécifiques, a été réalisée au CERN. Le développement est le fruit d’une collaboration entre le CERN et les instituts russes VNIITF (Russian Institute for Technical Physics) et BINP (Budker Institute of Nuclear Physics). Les instituts russes ont ensuite réalisé la fabrication.
Fort de ce succès, les équipes stopperont la mise en service du Linac 4 dans quelques jours. Les dernières cavités PIMS seront installées durant l’été, ainsi que les équipements d’injection vers le Booster du PS, deuxième maillon de la chaîne des accélérateurs. La mise en service reprendra en septembre avec l’objectif de parvenir à 160 MeV avant la fin de l’année.