Mobilisation pour le LHC

Le rapport complémentaire sur l’incident dans le secteur 3-4 a été publié le 5 décembre. Il confirme un redémarrage de l’accélérateur durant l’été 2009. D’ici là, les équipes vont travailler d’arrache-pied pour réparer le secteur et renforcer la sécurité de la machine.

Un aimant dipôle remonte par le puits PMI2 pour être réparé en surface. Les manutentions se déroulent le soir et la nuit pour éviter de perturber les autres opérations en souterrain.

Le chantier des réparations du secteur 3-4 monte en puissance. De nombreux spécialistes de divers départements sont impliqués, car les opérations couvrent de multiples domaines. Dans le hall SMI2, qui surplombe le puit d’accès des aimants au tunnel, c’est l’effervescence. La logistique, notamment, est un véritable casse-tête : deux aimants sortent par jour, mais ces manutentions doivent se dérouler sans gêner les équipes qui travaillent en souterrain. En tout, ce sont 53 aimants qui vont être sortis avant les vacances de Noël. Parallèlement, les aimants de rechange, prêts et testés, commencent à redescendre.

Le hall SMI2, surplombant le puits d’accès des aimants dipôles au tunnel, encombré par les aimants prêts à descendre et ceux qui remontent.

Plus d’une centaine de personnes sont maintenant à pied d’œuvre, faisant preuve d’une grande motivation. « Il y a un excellent état d’esprit parmi les équipes et nous avons ressenti une grande solidarité dans tout le CERN, souligne Jean-Philippe Tock (AT/MCS), responsable des interconnexions. Nous avons reçu des propositions d’aide de nombreuses personnes du CERN. »

La séquence de réparation implique tout d’abord une inspection de tous les aimants en souterrain, puis en surface. Pratiquement toutes les masses froides des 57 aimants touchés semblent intactes. Ce sont les éléments situés entre le cryostat et la masse froide qui sont endommagés. Une dizaine d’aimants n’ont cependant pas été abîmés du tout et seront juste nettoyés. Pour d’autres, les réparations sont plus importantes : la « super isolation », l’isolant thermique autour de la masse froide, et les pieds froids, qui supportent la masse froide dans le cryostat, ont été endommagés. Il faut extraire la masse froide de son cryostat et, selon le cas, récupérer les pièces pour les réutiliser pour des aimants de rechange ou changer les pièces pour remettre en cryostat l’aimant en question. Ce travail se réalise directement dans le hall SMI2, où l’installation d’assemblage des cryostats est en place. « En collaboration avec nos collègues du département TS, nous avons mis en service la semaine dernière un deuxième banc d’assemblage dans le hall 180 pour accélérer les cadences d’assemblage des dipôles destinés au secteur 3-4 », souligne Vittorio Parma (AT/MCS), responsable des cryostats, « Nous nous sommes assurés d’avoir assez de composants de rechange pour effectuer toutes les réparations. »

Parallèlement, les sections droites courtes, qui contiennent les quadripôles, sont assemblées à Prévessin. Un autre travail important concerne les tubes et les écrans de faisceaux pollués par de la suie métallique et des débris de super isolation. Au besoin, ils sont tous inspectés et nettoyés.

Pour plus de sûreté, la priorité pour rééquiper le secteur 3-4 a été donnée aux aimants de rechange. Trente aimants dipôles et neuf sections droites courtes de rechange seront ainsi installés. Mais tous les aimants qui redescendent dans le tunnel subissent des tests complets à chaud et à froid dans le hall SM18. « Nous testons jusqu’à trois aimants par semaine, explique Louis Walckiers, chef du groupe AT/MEI, en charge des tests des aimants. Début février, nous aurons une capacité cryogénique plus importante pour ces tests. » Les aimants sont tous testés jusqu’à 12 850 ampères, ce qui correspond à un champ de 9 teslas, au-dessus des 8,3 teslas spécifiés pour le fonctionnement nominal du LHC à 7 TeV. Ces essais ont d’ailleurs été renforcés.

Dès le mois de janvier, les aimants testés vont redescendre à un rythme plus soutenu. « L’objectif est d’avoir tous les aimants en place dans le tunnel fin mars », explique Francesco Bertinelli (AT/MCS), responsable du planning et de la coordination. Les travaux d'interconnexions vont démarrer début février, avec « un contrôle qualité renforcé », indique Jean-Philippe Tock (AT/MCS), responsable des interconnexions. Ensuite, les essais sur le secteur entier se dérouleront en juin et juillet. Parallèlement, la nouvelle électronique visant à renforcer la sécurité de la machine (voir encadré) sera installée.

Ces opérations longues et complexes, mais nécessaires pour assurer la sécurité du LHC, expliquent que le redémarrage ne puisse avoir lieu qu’au cours de l’été 2009.

La sécurité de la machine renforcée

Le rapport détaillé a confirmé qu’une petite résistance dans une interconnexion sur le circuit bus-bar, les conducteurs qui transmettent le courant électrique d’aimant en aimant, est très probablement à l’origine de l’incident. Cette résistance est cependant très faible : 200 nano-ohms, dissipant de l’ordre de 10 watt à haute intensité de courant ! « Mais la résistance spécifiée pour ces interconnexions doit atteindre au maximum 0,6 nano-ohm », souligne Jean-Philippe Tock (AT/MCS), responsable des interconnexions.

Tous les circuits des aimants principaux subissent actuellement des tests de puissance pour repérer d’éventuelles résistances anormales. Suite à cette inspection, un aimant du secteur 1-2 va être changé.

Pour éviter qu’un tel incident ne se reproduise, de nouvelles cartes électroniques vont protéger les aimants en mesurant en permanence la résistance des bus-bars et des interconnexions. Cette nouvelle électronique de protection, complétant celle existante, va également mesurer d’autres paramètres. « Nous avons lancé la fabrication de 6500 cartes électroniques, qui seront intégrées dans 450 châssis sous les aimants, explique Knud Dahlerup-Petersen (AT/MEI), chargé des systèmes de protection électrique pour le LHC. Nous allons commencer l’installation début avril, mais l’installation du câblage démarrera dès janvier. » Il faut en effet tirer 200 kilomètres de câbles !

D’autres mesures sont prévues pour renforcer la sécurité de la machine.

Plus d’informations dans le rapport détaillé de l’incident.