Une nouvelle ère pour ALICE

Une nouvelle direction, de nouveaux modules pour ses sous-détecteurs et une capacité accrue pour sonder les propriétés du plasma quarks-gluons. La nouvelle année s’annonce sous les meilleurs auspices pour ALICE et la physique des ions alors que les quarks et les gluons s'apprêtent à révéler leurs plus profonds mystères.

 

Installation d'un des nouveaux modules EMCal dans le détecteur.

Paolo Giubellino, le nouveau porte-parole d’ALICE, évoque avec enthousiasme ce que la collaboration ALICE a déjà accompli et ce qui l’attend encore. Il a récemment succédé à Jurgen Schukraft, qui dirigeait la collaboration depuis sa création. « Nous avons eu une première année d’exploitation passionnante, avec de nombreux résultats intéressants obtenus en un très court laps de temps, indique Paolo Giubellino, spécialiste de la physique des ions lourds à l'Institut national italien pour la physique nucléaire (INFN) (voir l'encadré). L’arrêt technique de fin d’année n’a pas été une pause pour nous, car nous en avons profité pour améliorer le détecteur en achevant l’installation du calorimètre électromagnétique (EMCal), grâce auquel ALICE sera plus à même d’étudier les propriétés du plasma quarks-gluons par son interaction avec des jets de particules. Nous avons également ajouté trois modules au détecteur à rayonnement de transition (TRD), ce qui a permis d’augmenter son acceptance de 50 % ». Nous achèverons l’installation du détecteur TRD lors du prochain arrêt et nous devrons attendre le long arrêt du LHC pour installer le dernier élément du détecteur ALICE, à savoir le DCAL.

Outre l’amélioration du matériel, la collaboration ALICE – composée de plus de 1000 scientifiques issus de 116 instituts de 33 pays différents – travaille sur l’analyse des données acquises durant l’exploitation avec ions, en novembre 2010. « Dans le domaine de la physique des ions, les résultats obtenus par les expériences stimulent la recherche et devancent souvent la théorie. Avant d'exploiter le LHC, personne ne pouvait vraiment prédire quelles caractéristiques la matière en interaction forte aurait à des énergies si élevées. Les premières mesures ont déjà permis d’établir que son comportement est toujours proche de celui d’un liquide idéal et que la perte d’énergie des partons rapides – l’ « étouffement des jets » –, est étonnamment grande. Nous avons également mesuré la densité d’énergie atteinte lors des collisions, qui est environ trois fois supérieure à celle obtenue par le collisionneur RHIC, alors que le volume d’interaction est deux fois plus grand. Les données ont pu être analysées très vite car le LHC est un instrument très puissant : même avec les données acquises avec une faible luminosité en 2010, la portée du LHC dépasse déjà celle du RHIC pour de nombreuses variables. Autre avantage d’ALICE par rapport aux expériences précédentes avec ions lourds, sa précision très élevée pour identifier les particules produites par les collisions », explique Paolo.

Occupée à analyser les données acquises l'année dernière, ALICE se prépare parallèlement en vue d’une année qui s’annonce exaltante. Concernant l’organisation interne de la collaboration, la physique a logiquement pris le pas sur la technologie. Au 1er janvier 2011, ALICE a non seulement un nouveau porte-parole et de nouveaux porte-paroles adjoints, mais également un nouveau président pour son comité de collaboration, son comité des conférences et son comité de rédaction, ainsi que de nouveaux coordinateurs pour ses détecteurs (détecteur de muons, chambre à projection temporelle et système de trajectographie interne), un nouveau coordinateur des travaux d’amélioration et de nouveaux responsables pour certains de ses groupes de physique. « Grâce à l'excellent travail réalisé par la direction précédente, ALICE est en pleine forme. La phase d’analyse des données exigera naturellement une collaboration plus étroite entre tous les membres et le fait que je vienne d’un institut extérieur contribuera, je l’espère, à satisfaire cette exigence. ALICE s'apprête à écrire un nouveau chapitre de son histoire, un chapitre passionnant », conclut Paolo.
  
Dès la fin de ses études à l'Université de Turin et à l'Université de Californie, à Santa Cruz, Paolo Giubellino s’est consacré essentiellement à la physique des collisions d’ions lourds de haute énergie, d’abord auprès de l’expérience HELIOS, puis auprès de l’expérience NA50, et enfin auprès d'ALICE. Il a participé aux toutes premières études de faisabilité d’ALICE, puis a assumé de nombreuses responsabilités au sein de l'expérience, notamment en tant que chef de projet pour le système de trajectographie interne, président du comité des conférences, coordinateur des travaux d’amélioration et, durant ces six dernières années, porte-parole adjoint. Il a joué un rôle actif dans le développement de détecteurs au silicium et est par ailleurs membre du Comité d’instrumentation de l’ICFA. Il a été membre de nombreux comités scientifiques et il préside actuellement le comité G-PAC à GSI (centre de recherche sur les ions lourds) ; il est également membre du comité scientifique de l’IN2P3. Enfin, il a présidé le groupe de travail chargé de rédiger le chapitre « Phase Transitions » du plan à long terme du NUPECC.

par CERN Bulletin