Dernières nouvelles du LHC : en préparation pour les 4 TeV

Après un arrêt de plus de deux mois, le LHC se réveille doucement de son hibernation - même si la température des aimants dans le tunnel est de plus en plus basse. Le tunnel a été pris d’assaut par des centaines de personnes, occupées par la maintenance et la préparation pour le redémarrage. La fin de la plupart des activités (et de l'accès au tunnel) est prévue pour le 21 février. À cette date, le groupe Opérations reprendra possession de la machine, après l'équipe de Coordination des arrêts techniques, et avancera dans la préparation du faisceau.

 

Le refroidissement de tous les secteurs du LHC (qui étaient à environ 80 K pendant la pause de Noël) a redémarré il y a trois semaines. À l'heure actuelle, plus de la moitié de la machine est à la température cryogénique nominale, et l'achèvement du refroidissement est prévu d'ici au 27 février. Dès qu'un secteur est froid, l'équipe d’Assurance de la qualité électrique (ElQA) commence la qualification à haute tension des circuits supraconducteurs, pour vérifier l'intégrité de l'isolation et de l'instrumentation. Elle a commencé ces qualifications pendant la semaine de réunion de Chamonix sur le premier secteur disponible (secteur 23), et a depuis réalisé trois autres secteurs (secteurs 56, 67 et 78), sans constater aucune non-conformité.

Une fois que les circuits sont qualifiés à haute tension par l'équipe ElQA, les tests d’alimentation des circuits supraconducteurs commencent. Ces tests ont donc commencé le vendredi 10, après validation et préparation du premier secteur. Pour minimiser l'impact sur les activités nécessitant un accès au tunnel (toujours en cours pour quelques jours), les tests en puissance sont à présent effectués seulement durant la soirée et la nuit, pour satisfaire les exigences de sécurité. Les tests visent à pousser les circuits du LHC à leur niveau opérationnel en leur injectant du courant et en s’assurant en même temps du comportement conforme des mécanismes de protection, éléments essentiels pour le bon fonctionnement de la machine. Après les deux années d'opération à 3,5 TeV, le LHC entrera dans un autre domaine. En effet, les circuits dipôles et quadripôles principaux seront alimentés par un courant plus élevé pour un fonctionnement à 4 TeV.

Hormis quelques petits problèmes (principalement au niveau des logiciels et des nouveaux outils utilisés cette année pour améliorer la performance dans l'exécution des tests), comme nous le constatons au début de chaque redémarrage après un long arrêt, les essais sont en bonne voie et tous les circuits supraconducteurs devraient être mis en service au cours de la première semaine de mars. Quelques jours de contrôle de la machine nous conduiront au premier faisceau, prévu pour le 14 mars.

Mirko Pojer pour l'équipe du LHC


Résumé de l'atelier sur les performances du LHC

L’atelier de Chamonix, qui s’est tenu la semaine dernière, a permis d'analyser les performances du LHC en 2011 et de discuter des projets pour 2012 et au-delà. En particulier, nous nous réjouissons à la perspective d’une exploitation du LHC à 4 TeV durant l’année 2012.

Un regard critique sur l’année 2011

Lors de l’atelier, on s’est attaché à examiner les performances de la machine en déterminant les améliorations qui pourraient être apportées à des systèmes critiques, tels que l’instrumentation de faisceau et la protection de la machine. Les collisions de faisceaux à haute intensité réalisées l’année dernière au LHC ont mis en évidence certains aspects à prendre en compte le long de l’anneau, notamment l’échauffement de certains matériels dû aux faisceaux, et des pics de vide problématiques. On a présenté l’état actuel des connaissances sur ces problèmes et avancé des solutions possibles.

La compression du faisceau (réduction de la taille du faisceau au point d’interaction), obtenue vers la fin de l’année, fut l’une des grandes réussites de 2011. Il sera peut-être possible de comprimer encore davantage le faisceau en 2012 grâce à un paramétrage plus serré des collimateurs. On pourrait ainsi obtenir une luminosité de crête d’environ 6 x 1033 cm-2s-1, contre un maximum de 3,6 x 1033 cm-2s-1 en 2011.

Possibilités pour 2012

Steve Myers, directeur des accélérateurs et de la technologie du CERN, a présenté un résumé des recommandations formulées durant l’atelier pour la période d’exploitation de 2012. En bref, le LHC devrait être exploité à 4 TeV, les priorités essentielles étant les suivantes : fournir à ATLAS et CMS une luminosité suffisante (de l’ordre de 15 fb-1) qui leur permette, indépendamment l’une de l’autre, soit de découvrir le Higgs, soit de l’exclure ; réaliser l’exploitation proton-ion plomb ; et lancer le programme de développement de la machine axé sur l’exploitation après le long arrêt technique. Il n’est pas exclu de prolonger l’exploitation pour pouvoir atteindre la luminosité intégrée visée.

En 2012, la disponibilité de la machine devrait être améliorée grâce à un certain nombre de mesures d’atténuation prises pendant l’arrêt technique de fin d’année, dont certaines visaient à réduire les effets des rayonnements sur l’électronique située dans le tunnel du LHC.

Projets pour le long arrêt de 2013-2014

La durée totale du long arrêt (LS1) du LHC est fixée provisoirement à 20 mois environ. Les équipes concentreront leurs efforts sur la consolidation des connexions électriques. Il s’agira d’ouvrir chacune des interconnexions d’aimants le long de l’anneau et de mesurer avec soin la résistance de chaque connexion transportant le courant entre le dipôle et les quadripôles des arcs du LHC. À ce jour, on estime que 15 % des connexions devront être refaites ; des dérivations et des brides de serrage seront installées au niveau de chaque connexion. Le but est d’exclure de manière définitive le risque que se reproduise l’incident survenu le 19 septembre 2008 aux énergies les plus élevées prévues pour le LHC.

Parallèlement, chacune des expériences LHC a un vaste programme de travaux de maintenance et d’amélioration, lesquels seront importants pour certains des systèmes essentiels du LHC (cryogénie, vide, système de protection contre les transitions résistives, distribution électrique, refroidissement, ventilation, accès et RF).

La machine après le long arrêt technique

Après le long arrêt technique (LS1), les dipôles du LHC devront de nouveau être entraînés, dans le cadre d’une vaste campagne, à subir des transitions résistives afin de parvenir à l’énergie nominale de 7 TeV par faisceau. Aussi, l’énergie de faisceau dans les premières années qui suivront le LS1 devrait-elle se situer aux environs de 6,5 TeV. Les améliorations prévues pour le système d’injection n’auront alors pas encore été réalisées, mais la performance du système devrait permettre d’offrir une qualité de faisceau suffisante pour que la luminosité nominale du LHC atteigne 1 x 1034 cm-2s-1. Il a en outre été question des aspects susceptibles de limiter la performance après le LS1 (transitions résistives, effets des rayonnements sur l’électronique, UFO).

Projets futurs

Les perspectives pour le projet d’amélioration des injecteurs du LHC (LIU) et son principal client, le LHC haute luminosité (HL-LHC), ont également été examinées. Le HL-LHC, dont le début de l’exploitation a provisoirement été fixé aux environs de 2023, a pour ambition de fournir 200 à 300 fb-1 par an. On a passé en revue les défis que présentera le projet HL-LHC et on a notamment fait le point sur l'état d'avancement de la R&D pour les nouveaux aimants destinés aux régions d’interaction haute luminosité.

On a également évoqué de façon informelle l’avenir encore plus lointain. Parmi les futurs projets envisageables figurent le Grand collisionneur hadron-électron (LHeC), qui ferait entrer en collision des électrons de 60 GeV avec des protons de 7 TeV, et le LHC haute énergie (HE-LHC), dans lequel l’énergie de faisceau du LHC serait portée de 7 à 16,5 TeV. Ces options présentent toutes les deux de sérieux défis technologiques.


Steve Myers, directeur des accélérateurs et de la technologie au CERN, et Sergio Bertolucci, directeur de la recherche au CERN, font le point sur l'atelier de Chamonix (en anglais) :

par Edited by Katarina Anthony based on regular reports by Mike Lamont, the Bulletin's correspondent from Chamonix