1970 : l’ESO débarque au CERN

En 1970, le CERN et l’ESO signent un accord de collaboration pour la réalisation du premier télescope de l’observatoire européen. Cette même année, la division Télescope et le laboratoire Sky Atlas de l’ESO s’installent sur le site du CERN, à Meyrin. Retour sur les prémisses d’une alliance pérenne et fructueuse.

 

Martin Cullum, physicien à l’ESO de 1973 à 2009

En 1974, lorsque j’ai assisté à ma première conférence internationale en tant que membre du personnel de l’ESO, et que je disais que je venais de l’ESO, la réaction était invariablement : « Ah ! C’est quoi l’ESO ? ». Aujourd’hui, les personnes que je rencontre ont l’air de connaître l’Observatoire mieux que moi ! Il est évident que l’ESO a su véritablement tirer profit de son séjour au CERN.

La décision d’Adriaan Blaauw, alors directeur général de l’ESO, d’établir des activités à Genève a permis d'accroître les compétences techniques de l'Observatoire, de façon à concevoir des projets très ambitieux, comme le VLT (Very Large Telescope), qui est, sans nul doute, la prouesse scientifique et technique la plus marquante de ma carrière.

Je garde un souvenir impérissable de l’esprit d’ouverture qui régnait au CERN à mon arrivée en 1973*. La cravate était considérée comme l'apanage des représentants de commerce. Tout le monde savait que les prix Nobel de physique portaient jean et pull-over.

Lorsque je retourne au CERN aujourd’hui, je suis toujours étonné de voir que le CERN n’a pratiquement pas changé depuis 1980. Les anciens bâtiments de l’ESO sont intacts, et l'impression générale est toujours la même.”

*Martin Cullum a travaillé au CERN de 1973 à 1980.


Klaus Banse, ingénieur logiciel à l’ESO de 1977 à 2012

Initialement, j’ai été engagé dans le but d’aider nos astronomes à programmer leurs propres algorithmes en vue d’une réduction des données. Cependant, lorsque je suis arrivé à Genève – j’y suis resté environ deux an et demi – j’ai pris en charge le système de commande par logiciel des machines de mesure de l’ESO.

Ce système de commande était écrit en langage de programmation Forth et présentait l'inconvénient des tomber en panne de temps à autre sans cause systématique. D’autre fois, le système fonctionnait très bien… J’étais donc là, assis à mon bureau, profitant d’une vue splendide sur le mont Blanc (selon la météo), et je m’acharnais sur un système en temps réel écrit dans un langage pour lequel j’allais bientôt éprouver de l’aversion, en essayant de trouver les erreurs d’un code qui entraînait l’arrêt du système de façon apparemment aléatoire. Jusqu’au jour où un jeune contractant suisse, qui avait la même aversion que moi pour Forth, m'a persuadé de récrire complétement le système - mais en langage d’assemblage cette fois - plutôt que d’essayer de réparer le code existant. Et c’est heureusement ce que j’ai fait. Cela m’a pris bien plus de temps, mais les machines de mesure pouvaient désormais compter sur un système de commande très fiable, utilisé depuis lors à l’ESO.”


Robert Andrew Fosbury, astronome à l’ESO de 1978 à 2010

J’ai passé une année à l’ESO sur le site du CERN, de 1978 à 1979, en tant que boursier. J'y ai ensuite travaillé de 1985 à 2010 en tant qu'employé au Centre européen de coordination pour le télescope spatial (ST-ECF, activité réalisée conjointement par l'ESO et l'ESA). Les cinq dernières années, j’étais à la tête de cette structure. Je suis aujourd’hui astronome émérite de l’ESO.

J’ai eu la chance d’assister à la métamorphose de l’ESO, conçu au départ selon les modestes ambitions des astronomes européens, et considéré aujourd’hui comme l’observatoire terrestre le plus avancé au monde. Quelle expérience fascinante ! Quand je regarde l'infrastructure telle qu'elle est aujourd'hui, j'en ai le souffle coupé.

Un des souvenirs marquants que je garde de mon temps au CERN concerne les repas. Manger à la cantine du CERN était une expérience, et c’était bien mieux que ce qu’on pouvait avoir à Garching. Je me souviens d'un chef en particulier : il était grand, joyeux et, je crois, italien. Il avait une façon bien à lui de chantonner « Lasagnes ! », avant de vous en servir une généreuse portion qu’il vous tendait avec un petit clin d'œil en prime. Un vrai délice ! En Allemagne, cela n’arrive pas…”

 

par Anaïs Schaeffer