Modeler les modèles
En analysant la production de mésons émis à très petits angles lors des collisions proton-proton du LHC, la collaboration LHCf a fourni des informations essentielles pour l’étalonnage de modèles utilisés pour l’étude des rayons cosmiques d’énergie extrême.
L’expérience LHCf est spécialisée dans la mesure des particules neutres émises à très petits angles lors des collisions au LHC. À cette fin, deux calorimètres – Arm 1 et Arm 2 – recueillent les données à 140 m de part et d’autre du point d’interaction d’ATLAS. « L’objectif de ce type d’analyse est de fournir des données pour calibrer les modèles d’interactions hadroniques – les fameux "codes Monte-Carlo" – utilisés dans l’étude des rayons cosmiques d’énergie extrême », explique Lorenzo Bonechi, chercheur de l’INFN basé à Florence, membre de la collaboration LHCf.
Dans le monde, plusieurs expériences sont consacrées à ces types de mesures, mais aucune d’entre elles n'atteint le niveau de précision de LHCf. À l’énergie actuelle du LHC, les détecteurs de LHCf peuvent en effet mesurer les sections efficaces totales de production à haute énergie aux petits angles des photons, neutrons et autres mésons et baryons neutres avec une précision inédite.
Parmi les nombreuses particules neutres que peut détecter LHCf, les mésons π0 sont les plus révélateurs sur les interactions proton-proton. C’est pourquoi priorité a été donnée à l’analyse de la production de π0 à petits angles, qui donnera des informations essentielles pour les modèles d'interaction hadroniques à l'échelle d'énergie du TeV.
Ainsi, à partir de données expérimentales obtenues les 15 et 16 mai 2010 à l’occasion des collisions proton-proton à 7 TeV, la collaboration LHCf a analysé la production de ces mésons riches d’informations. Les physiciens ont identifié ces mésons à partir de leur désintégration en deux photons : l’angle d’ouverture entre les photons issus de la désintégration de π0 est détecté par les calorimètres de LHCf, avec comme angle limite supérieur 0,4 mrad pour Arm1 et 0,6 mrad pour Arm2. Ils ont alors comparé les données aux différents modèles hadroniques, dans le but d’améliorer ceux-ci : « Nous ne savons pas quel modèle est le meilleur pour l’étude des rayons cosmiques de haute énergie, explique Hiroaki Menjo, de l’Institut Kobayashi-Maskawa (Université de Nagoya), membre de la collaboration LHCf. LHCf est un outil essentiel pour les théoriciens, car il leur fournit les seules données réelles qui peuvent être utilisées pour calibrer leurs modèles pour ces phénomènes de haute énergie. »
« Au début de l’année prochaine, nous allons opérer avec des collisions plomb-proton, ajoute Lorenzo Bonechi. À l’heure actuelle, nous améliorons nos détecteurs pour un objectif un peu plus lointain : les collisions proton-proton à 14 TeV en 2015. » Le but : apporter des éléments encore plus précis aux codes Monte-Carlo utilisés pour la modélisation des interactions de rayons cosmiques avec l’atmosphère terrestre.
Cliquez ici pour lire l'article de LHCf publié sur arXiv le 3 octobre.
par Anaïs Schaeffer