Dernières nouvelles du LS1 : les nuages se dissipent

Pour parer au problème des nuages d’électrons qui perturbent l’environnement des faisceaux de particules de nos accélérateurs, l’équipe du Vide a misé sur le carbone amorphe. Appliqué à l’intérieur de 16 aimants du SPS pendant le LS1, ce matériau aidera à prévenir la formation des particules secondaires à l’origine des nuages.

 

En marron, on reconnaît les bobines d'un aimant dipolaire du SPS. La chambre à vide est la partie métallique rectangulaire située au centre. Le petit chariot que l'on voit dans la chambre à vide transporte les cathodes creuses, qui se déplacent le long de la chambre grâce aux petites roues.

Lorsqu’un faisceau de particules circule à haute énergie dans une chambre à vide, il provoque, bien malgré lui, la production de particules secondaires. Parmi celles-ci, les électrons produits par ionisation des molécules du vide résiduel ou indirectement générés par le rayonnement synchrotronique. Ceux-ci, en frappant la surface de la chambre à vide, produisent eux-mêmes d’autres électrons qui, par un phénomène « d’avalanche », sont à l’origine d’un nuage de particules.

Or, les nuages d’électrons  sont source de nombreux désagréments :

  1. Ils libèrent du gaz. Et qui dit libération de gaz, dit hausse de la pression, et donc, des radiations, ce qui a un impact sur les infrastructures et est à l’origine de bruit de fond.
     
  2. Ils sont source d’énergie, autrement dit, de chaleur, ce qui induit une surconsommation d’hélium liquide pour le refroidissement.
     
  3. De charge négative, ils interagissent avec le faisceau, de charge positive. Cela se traduit par une oscillation et une dilatation des paquets de particules, augmentant par là-même la probabilité de transitions résistives des aimants supraconducteurs, et diminuant par ailleurs la luminosité.
     

Mais alors, comment s’affranchir de ce problème ? Dans le LHC, la méthode actuellement utilisée est celle du conditionnement du tube du faisceau (scrubbing). « Lorsque la chambre à vide est bombardée par des électrons, il se produit un phénomène d’avalanche, rappelle José Miguel Jiménez, nouveau chef du département TE. Cependant, si le bombardement est suffisamment intense, il induit progressivement l’effet inverse, c’est-à-dire l’inhibition de l’avalanche. Mais cela pourrait ne pas être très efficace à de très hautes énergies. »

La lumière violette est produite par le plasma d'argon utilisé pour la pulvérisation du carbone amorphe. Ce plasma se crée dans les cathodes creuses, qui sont polarisées négativement par rapport à la chambre à vide.

Ainsi, pour s’adapter aux énergies qui attendent le complexe d’accélérateurs à partir de 2015, le groupe Vide, surfaces et dépôts (TE-VSC) a travaillé sur une autre solution : le carbone amorphe. « Le phénomène d’avalanche est possible car la surface des chambres à vide le permet, explique José Miguel Jiménez. En effet, les matériaux métalliques ont un coefficient d’émission secondaire maximum compris entre 1,9 et 2,1. Cela veut dire qu’une particule impactant ces matériaux en créera jusqu’à 1,9 à 2,1 nouvelles. Le carbone amorphe, en revanche, possède un coefficient inférieur à 1, ce qui rend tout phénomène d’avalanche impossible. »

En déposant une fine couche de carbone amorphe sur la paroi interne des chambres à vide, le problème des nuages d’électrons pourrait ainsi être définitivement réglé. Courant 2013, 16 aimants du SPS ont donc été « repeints » de l’intérieur. « L’opération n’a pas été sans poser des difficultés, confie José Miguel Jiménez. Car si cette technique est couramment utilisée dans l’industrie, elle ne l’a jamais été dans de longues chambres à vide, telles que celles du SPS. » Le groupe VSC a donc dû développer un outil spécial, appelé cathode creuse, qui, après avoir été introduit dans la chambre à vide, se déplace le long des 7 mètres que mesure chaque module tout en déposant le carbone. « Lors de l’intervention, souligne José Miguel Jiménez, les gaz néfastes pour le dépôt sont absorbés par des filaments de chaque côté de la chambre à vide qui les "pompent" au fur et à mesure de l’opération. »

D’ores et déjà prêts pour l’installation dans le SPS, les 16 aimants traités permettront de tester la résistance du traitement dans le temps. Si ses performances sont satisfaisantes, la technique pourrait alors être adaptée à certains aimants du LHC.
 

Pendant ce temps, ailleurs

Au LHC, la réparation du boîtier d’alimentation électrique (DFBA) du point 6 (gauche), qui a actuellement lieu en surface, est sur le point de s’achever. Le module devrait donc prochainement être redescendu dans le tunnel pour être reconnecté, ce qui s’annonce aussi délicat que pour son extraction.

Au point 2, la réinstallation des aimants de déflexion rapide suit son cours. 4 sur 8 ont ainsi déjà été remis en place.

Dans le secteur 6-7, où, il y a deux semaines, ont eu lieu avec succès les premiers tests en pression, les équipes de la cryogénie préparent actuellement la machine pour effectuer de nouveaux tests ELQA.

Pour l’heure, six secteurs ont été consolidés (5-6, 6-7, 7-8, 1-2, 2-3 et 3-4) et trois ont déjà été refermés (5-6, 6-7, et 7-8). La fermeture d’un quatrième secteur (8-1) est actuellement en cours, opération que concluront des tests de vide.

 

par Anaïs Schaeffer