Dernières nouvelles du LHC : une brève décélération

Après la phase d’essais de mise sous tension, le LHC est à présent entré dans la phase de vérification de la machine. Cette phase consiste à soumettre tous les systèmes à des tests à grande échelle en vue de l’arrivée des faisceaux. Samedi dernier, en début de matinée, au cours de la descente en intensité, un défaut à la terre est apparu sur le circuit des dipôles principaux. Une analyse approfondie de la situation est en cours.

 

Les divers systèmes sont mis à l’épreuve depuis le Centre de contrôle du CERN. Cela comprend des tests importants du système absorbeur de faisceau et des tests à grande échelle du système de verrouillage de faisceau (BIS, Beam Interlock System) et de ses nombreuses entrées depuis d’autres systèmes situés le long de l’anneau. Tous les circuits des aimants, de même que les collimateurs et le système RF, sont testés pour les différentes phases : montée en intensité, compression, descente en intensité et pré-cycle. L’instrumentation et les systèmes de rétroaction et de contrôle sont également soumis à des tests rigoureux. Cela suppose inévitablement des ajustements de dernière minute, mais, jusqu'à présent, tous les éléments semblent être dans un état satisfaisant.  La vérification de la machine est un processus important qui concerne tous les systèmes du LHC. Lors de cette ultime phase avant l’exploitation avec faisceau, l'équipe chargée des opérations teste l'ensemble des sous-systèmes du LHC afin d’être sûre que la machine entière est prête à accueillir les faisceaux.

La phase d’essais de mise sous tension a permis de qualifier pleinement l'ensemble des quelque 1 700 circuits des aimants pour une exploitation à 6,5 TeV, à l’exception de deux circuits. Cette phase fait suite à six mois de tests rigoureux sur les circuits, portant sur le système de protection contre les transitions résistives, les convertisseurs de puissance, le système d’extraction d’énergie, les systèmes UPS, le système de verrouillage, l’assurance qualité électrique et le comportement des aimants. Les dipôles du secteur 4-5 se sont révélés un peu rétifs, mais ils ont à présent atteint l’intensité cible de 11,080 A (6,5 TeV + 100 A) après quelque 50 transitions d'entraînementLes dipôles du secteur 3-4 ont également été pratiquement tous entraînés pour cette intensité. 

Toutefois, le samedi 21 mars, très tôt dans la matinée, le circuit des dipôles principaux du secteur 3-4 a subi un défaut à la terre lors de la descente en intensité, suite à ce qui était probablement la dernière transition d’entraînement dans ce secteur. Tous les systèmes de protection fonctionnaient correctement et il n’y a eu aucun dommage. Le défaut est apparu à une intensité de courant relativement faible et était de nature intermittente à ce stade.

Trois solutions possibles sont à l’étude. La première consisterait à injecter une impulsion de courant d’énergie limitée et à tenter de faire fondre le débris métallique qui cause le court-circuit. La deuxième consisterait à pressuriser l’hélium dans le secteur cryogénique local, puis à effectuer une courte décharge de pression afin de produire un flux turbulent pour extraire l’objet. Des études et une préparation sont en cours pour ces deux solutions, lesquelles pourraient être appliquées assez rapidement. Des mesures réalisées in situ par des spécialistes des systèmes ont permis de localiser le défaut à 10 cm près en injectant localement du courant et en utilisant l’instrumentation standard de la masse froide, comprenant des contacts de tension et de courant. Le défaut se situe dans le tube vertical reliant l’enveloppe de l'aimant à la boîte à diodes située sous l’aimant (voir ci-dessous). Le scénario le plus probable est qu’un petit fragment de débris métallique s’est glissé dans le tube et crée un contact entre le tube (terre) et l’un des câbles qui conduit à la diode. Des radiographies de la zone ont été prises. Il s’agit d’une zone difficile, et même si des débris sont visibles, les résultats ne sont pas concluants.

La troisième consisterait à réchauffer partiellement le secteur et à ouvrir l’interconnexion d’aimant concernée, ce qui permettrait d’accéder directement à la boîte à diodes. Il faudrait environ six semaines pour procéder au réchauffement, à l’intervention et au refroidissement qui suivra.

Une analyse approfondie des risques pour chaque solution est en cours. Nous faisons face à un problème intéressant, mais la situation est frustrante ; les équipes veillent à ce que le seul coût supporté soit une question de temps.
 

La boîte à diodes

Crédit photo : Arjan Verweij.
Montée sous l’aimant, la diode de dérivation haute intensité constitue un élément essentiel pour la protection de la machine. Cette diode fonctionne à une température de 1,9 K. La boîte à diodes, où elle est logée, contient de l’hélium superfluide et est connectée à la principale enceinte d’hélium de l’aimant.
Schéma d'un circuit de dipôle - les diodes sont représentées par les têtes de flèches sous les bobines des aimants. 


Lors d'une transition résistive, le courant présent dans l'aimant affecté est dévié vers la diode en 0,5 s environ, et le reste de la chaîne d’aimants supraconducteurs descend lentement en énergie avec des constantes de temps de l’ordre de 100 s. Les diodes conduisent ainsi une impulsion de courant maximum de 13 kA, qui décroît de façon exponentielle avec une constante de temps d'environ 100 s. Cela peut conduire à une montée de température pouvant aller jusqu’à 300 K à l'intérieur de la diode. 

 

par Rossano Giachino & Markus Albert