Une bonne BASE

Dans un article récemment paru dans Nature (voir ici - en anglais), la collaboration BASE annonce une comparaison ultra-précise entre le rapport charge sur masse du proton et celui de l’antiproton, particule correspondante de l'antimatière. Ce résultat n’est qu’un début et les recherches se poursuivent.

 

Le hall AD du CERN, où est installée l'expérience BASE.

L’expérience sur la symétrie baryon-antibaryon BASE (Baryon Antibaryon Symmetry Experiment) a été approuvée en juin 2013 et était prête à acquérir des données en août 2014. Pendant ces 14 mois, la collaboration BASE a travaillé d’arrache-pied pour mettre en place ses quatre pièges de Penning cryogéniques, qui sont au cœur de l'expérience. Comme leur nom l’indique, ces dispositifs magnétiques servent à piéger des antiparticules, en l’occurrence des antiprotons en provenance du Décélérateur d’antiprotons, et des particules de matière, à savoir des ions hydrogène négatifs, produits dans le système par l’interaction avec un dispositif qui ralentit les antiprotons, ce qui permet aux scientifiques d’effectuer leurs mesures. « Nous avons eu très peu de temps pour mettre en place l’expérience, mais nous avons finalement réussi à prendre des données, et nous sommes très satisfaits d'avoir de si bons résultats », déclare Stefan Ulmer, porte-parole de l'expérience. 

Pour effectuer la mesure du rapport charge sur masse, BASE a mis au point une technique permettant d’avoir une particule en amont du piège de mesure et une autre en aval de ce piège. On déduit le rapport charge sur masse de la fréquence cyclotron des particules mesurée en exactement 120 secondes, ce qui correspond à un cycle du Décélérateur d'antiprotons. Les scientifiques arrivent à effectuer la mesure séparément pour chacune des particules, c’est-à-dire pour l’antiproton et pour l’ion hydrogène négatif, puis à comparer les deux mesures, avec une fréquence d’échantillonnage très élevée. Tout écart entre les propriétés fondamentales de la matière et de l’antimatière donnerait aux scientifiques des éléments importants pour la compréhension de la physique au-delà du Modèle standard. « Nos mesures mettent à l'épreuve l'un des principes les plus fondamentaux de la théorie relativiste des champs, l'invariance CPT (voir encadré), explique Stefan Ulmer. Les systèmes matière-antimatière stables tels que le proton et l’antiproton ou les systèmes liés tels que l'hydrogène et l'antihydrogène sont particulièrement bien adaptés, car, du fait de la stabilité de ces systèmes, le temps d’observation est infini, ce qui rend possibles des mesures de haute précision. » 

La mesure de haute précision effectuée par BASE ne montre aucun écart entre le proton et l’antiproton, avec une résolution en énergie quatre fois supérieure à celle des mesures précédentes. « Ce résultat n’est que le début de notre programme scientifique, précise Stefan Ulmer. L’une des valeurs caractéristiques du proton et de l’antiproton, le moment magnétique, n’a pas encore été comparée avec une haute précision, et l’objectif de physique de BASE est précisément de le faire. » 

Actuellement, le moment magnétique du proton a été mesuré avec une précision de 3,3 x 10-9 par la collaboration BASE, alors que le moment magnétique de l'antiproton est connu avec une précision de 4,4 x 10-6, d'après les mesures effectuées par la collaboration ATRAP en 2012. « Nous travaillons actuellement sur un système d’aimants supraconducteurs perfectionné qui permettra de rendre le champ magnétique de notre système de piège plus homogène, et en même temps plus stable, explique Stefan Ulmer. Nous prévoyons de commencer à mesurer les moments magnétiques dans le cadre de l'exploitation avec antiprotons de 2015, et nous espérons produire une mesure avec une précision de l’ordre du milliardième au plus tard d'ici au début du prochain long arrêt des accélérateurs. » La collaboration espère ainsi améliorer les données actuelles de plus d’un facteur 1 000.
 

Le saviez-vous ?

L’élément final du système de piège de BASE est le « piège-réservoir ». Ce piège peut stocker des antiprotons pendant des mois d'affilée, ce qui permet à la collaboration BASE de continuer à fonctionner et à procéder à des mesures même en l'absence de faisceau. Les résultats qui viennent d’être publiés dans Nature s’appuient sur 13 000 mesures effectuées pendant une campagne de 35 jours.

 

Invariance CPT

Toutes les observations expérimentales à ce jour confirment que les processus de physique évoluent de façon identique si, simultanément, la charge est inversée (si nous substituons à la matière l'antimatière correspondante), la parité est inversée (autrement dit, un système de coordonnées « droitier » est transformé en un système « gaucher », c’est-à-dire qu’on a l’équivalent d’une image miroir), et le temps est inversé (ce qui inverse du même coup les impulsions des particules). La conservation de la symétrie CPT est considérée comme étant une propriété fondamentale des lois de la physique. Les recherches expérimentales de violation de la symétrie CPT, y compris le récent résultat de l'expérience BASE, n'ont pas mis en évidence de violation de cette symétrie.

 

par Antonella Del Rosso