Des ondes positives

En préparation des travaux de génie civil prévus pour le HL-LHC, des mesures ont été effectuées le mois dernier pour évaluer les vibrations au point 1 du LHC. Elles permettront de déterminer l'impact que ces travaux auront sur les faisceaux, et fourniront des informations essentielles sur la composition géologique du site.

 

Un « camion sismique » a généré au point 1 des vibrations ondulatoires mesurées par le groupe EN/MME. 

Des programmes de R&D pour créer des aimants à la pointe de la technologie au développement de matériaux robustes et innovants capables de résister à l'impact des faisceaux, le HL-LHC est un projet aux multiples facettes, auquel participent plusieurs groupes et équipes des différents départements du CERN. C'est dans ce cadre que la direction du projet a mandaté le groupe Ingénierie mécanique et des matériaux (EN/MME) du CERN pour mesurer la propagation des vibrations autour du point 1. Bien que l’essentiel des travaux sera effectué pendant le LS2, la direction du projet veut s'assurer qu'ils peuvent commencer alors que le LHC est en service. Lors de la construction du LHC, des travaux similaires avaient été entrepris sans que cela nuise à l'exploitation du LEP, mais le LHC est beaucoup plus sensible aux vibrations que son prédécesseur.

« Bien entendu, la plupart des travaux de génie civil seront menés pendant le LS2, mais nous souhaitons déterminer ceux qui pourraient être réalisés pendant que le LHC fonctionne », explique Paolo Fessia, responsable de l'intégration HL-LHC. C'est une entreprise délicate. Imaginez en effet maintenir la stabilité des faisceaux au micron près pendant qu’une énorme excavatrice martèle le sol à 40 mètres seulement du LHC. Est-ce réalisable ?

« Nous avons mené de nombreuses études vibratoires cette année, explique Michael Guinchard, responsable du laboratoire de mesures mécaniques (EN/MME). Au SM18, nous avons artificiellement provoqué des tremblements sur le sol et observé leur effet sur la partie active d'un aimant quadripolaire du LHC. Nous avons aussi effectué des mesures similaires à proximité de l'expérience AWAKE, où nous avons tiré parti de ses tunnels parallèles. Nous avons placé un pot vibrant dans un des tunnels pour créer des vibrations facilement reconnaissables et avons observé leur effet dans le deuxième, après avoir traversé la terre séparant les deux tunnels, ce qui nous a permis d'analyser leur taux d'atténuation. » L'équipe était maintenant prête à étudier comment les vibrations se propageaient au point 1.

On a commencé par installer quatre capteurs géophones dans le tunnel UL16 d'ATLAS pour mesurer les vibrations dans le sol et convertir le signal correspondant en signal électronique. Des capteurs supplémentaires ont été placés en surface autour des sources de vibrations, et reliés aux géophones sous terre via le réseau de synchronisation « White Rabbit » du LHC. Les différents membres de l'équipe ont ainsi pu observer tous les effets des vibrations au même moment.

« Les premières vibrations que nous avons examinées avaient été produites par une carotteuse foreuse, utilisée pour analyser la composition géologique du site, précise Paolo. C’est une information essentielle pour la conception et la construction de nouvelles cavernes et galeries techniques souterraines pour le HL-LHC. En effet, les entreprises de construction ont besoin de savoir exactement ce qu'elles trouveront au moment de creuser (roche, sable, eau, etc.). C'est d'ailleurs l'objectif premier du forage, qui a aussi été utilisé pour étudier l'effet des vibrations pulsées. » Les activités de forage sont gérées par le groupe GS-SE, qui sera également responsable du suivi des travaux de génie civil prévus pour le projet HL-LHC.

Quelques jours plus tard est arrivé le « camion sismique ». Cette machine unique, pesant 24 tonnes, pousse de tout son poids sur le sol, produisant des vibrations ondulatoires de 4 à 100 fois par seconde. « Nous avons créé des ondes avec une large gamme de fréquences et observé leur taux d'atténuation », explique Michael. Des mesures avec faisceau ont également été prises en collaboration avec le groupe BE-OP ; elles fourniront un ensemble de données précieuses pour une analyse plus détaillée.

La mise en service du HL-LHC est encore loin, mais son impact sur le LHC se fait déjà sentir... littéralement en l’occurrence.

par Katarina Anthony