ICHEP 2016 : une bosse entre les gratte-ciels ?

Cette semaine, je suis à Chicago pour la 38e Conférence internationale sur la physique des hautes énergies, ICHEP 2016, organisée cette année par la communauté de physique des États-Unis. S’il est apparu clairement, pendant la conférence, que la fameuse bosse à 750 GeV s’était aplatie, il y a néanmoins eu une profusion de résultats de physique, venus du CERN et du monde entier.

 

Chacun sentait, au fond de lui, que cette bosse se révélerait n’être qu’une fluctuation statistique, tout en espérant secrètement qu’il s’agirait de quelque chose de nouveau. Même la personne qui a créé le logo d’ICHEP 2016 y a subtilement glissé, entre les silhouettes des gratte-ciels de Chicago, une bosse surmontée d’un point d’interrogation, idéalement cachée dans la mystérieuse sculpture urbaine « Cloud Gate » de l’artiste Anish Kapoor.

Ce point d’interrogation est à présent résolu. La sculpture d’Anish Kapoor peut retrouver sa signification initiale, et la recherche d’une nouvelle physique se poursuit, avec toutefois de nouvelles contraintes, comme l’ont montré les théoriciens dans les articles (plus de 400) publiés à la suite des discussions sur la bosse. L’élément marquant venu du CERN était sans aucun doute la performance spectaculaire du LHC, qui a déjà fourni cinq fois plus de données en 2016 que sur l’ensemble de l’année 2015. Cette performance s’est accompagnée, par la force des choses, d’une performance tout aussi spectaculaire des expériences et de la Grille de calcul mondiale pour le LHC (WLCG), qui est en train de pulvériser tous ses précédents records, et de pousser les ressources dans leurs limites. Les quatre grandes expériences LHC ont présenté de nouveaux résultats, allant de nouvelles mesures du boson de Higgs à l’observation de processus de désintégration très rares et à de nouvelles mesures du plasma quarks-gluons. Parmi les principaux résultats du CERN, on peut citer aussi l’étude des spectres dilepton et diboson avec des masses élevées, la violation de CP dans les désintégrations des B barioniques, et une même compréhension, entre les expériences, de la suppression de la production de charmes et de l’émergence de jets à partir du plasma quarks-gluons. Les projets ambitieux en physique des neutrinos étaient à l’honneur à Chicago ; la planification des expériences longue distance fait en effet de beaux progrès aux États-Unis et au Japon. Les ondes gravitationnelles continuent, après la découverte annoncée par LIGO au début de l’année, d’être le sujet de physique dont on parle le plus. Cette découverte a également fait l’objet d’une conférence publique, qui a remporté un franc succès.

ICHEP est la conférence la plus importante de cette année pour notre discipline, et je suis ravi d’avoir pu rencontrer autant de collègues venus à Chicago depuis le monde entier. Les organisateurs ont fait un effort particulier pour encourager les jeunes à s’intéresser aux présentations scientifiques. Chaque jour, une quinzaine de jeunes scientifiques ont présenté leurs propres résultats, en une minute exactement, et avec une seule image. Ils ont remarquablement bien relevé ce défi, en réalisant des exposés vivants, tout en mettant la barre très haut sur le plan de la concision et de la qualité.

Eckhard Elsen, directeur de la recherche et de l’informatique​​​​