Aimants dipôles du LHC : c'est parti pour la grande série !

Le premier aimant dipôle de pré-série du LHC vient d'être livré au CERN. 1247 autres aimants de ce type doivent être fabriqués d'ici à 2005. Leur production fait l'objet d'un transfert de technologie du CERN vers ses fournisseurs.

Quinze mètres de long, trente tonnes, plusieurs kilomètres de fils supraconducteurs : l'aimant qui est arrivé dans le hall 181 du CERN est un colosse. C'est le premier aimant dipôle de pré-série qui entrera en service en 2005 dans le futur accélérateur LHC. Livré par le consortium français Alstom-Jeumont Industrie, il est le premier d'une série de 1248 aimants (rien que ça !) à fabriquer dans les cinq ans à venir. Autant dire s'il est bichonné par les techniciens et ingénieurs d'Alstom-Jeumont qui l'ont accom-pagné depuis Belfort, dans le nord-est de la France, jusqu'au CERN pour le préparer.
Les aimants dipôles auront pour mission de courber les faisceaux de protons du LHC pour les maintenir sur la trajectoire circulaire de 27 kilomètre de circonférence. Pour infléchir la course des protons lancés à une énergie de 7 TeV, le champ magnétique doit atteindre 8,33 Tesla. Une intensité extraordinaire, 100 000 fois plus importante que le champ magnétique terrestre. Seuls des supraconducteurs peuvent relever le défi. La partie active de l'aimant est donc constitué d'un bobinage de supraconducteurs. 'Chaque fil est constitué de 9 000 filaments en niobium-titane, dix fois plus fins qu'un cheveu', explique Jos Vlogaert, responsable des aimants dipôles du LHC au CERN. Les faisceaux de protons circulent au centre de ce bobinage. Pour assurer la supraconductivité, le bobinage est refroidi à 1,9 Kelvin, soit ­ 271 degrés celsius. Ce froid extrême est assuré par un bain d'hélium superfluide.
Cette architecture est le fruit de trois générations successives de prototypes, réalisées et testées depuis le début des années 90. 'Le dernier prototype vient de livrer des résultats exceptionnels', s'enthousiasme Jos Vlogaert. Le passage du prototype à la pré-série n'est cependant pas une mince affaire. 'L'aimant doit pouvoir fonctionner durant 20 ans', ajoute Jos Vlogaert. En clair, aucune fuite, ni connection défaillante n'est permise.
Trois constructeurs participent à cette première phase. Le consortium Alstom-Jeumont Industrie en France, Noell en Allemagne et Ansaldo en Italie. Ces fabricants honorent pour l'instant une première commande de trente aimants chacun, qui doit leur permettre d'optimiser leur savoir faire et d'estimer le coût d'une production en série.

Des membres des équipes du CERN et du consortium Alstom-Jeumont Industrie autour de la partie active du premier aimant dipôle de pré-série pour le LHC.

La fabrication de ces bijoux de technologie fait l'objet d'un transfert de technologie entre le CERN et ses fournisseurs. Alstom-Jeumont Industrie n'a ainsi réalisé que la partie active de ce premier aimant. Son enveloppe va être fabriquée au CERN. Elle est constituée de deux demi cylindres qui doivent être assemblés à l'aide de l'immense presse du hall 181. Pour cet assemblage, une technique spéciale de soudure est utilisée. Baptisée 'Surface tension transfer', elle adapte en temps réel le courant de soudure aux conditions de fonte du métal. 'Nous l'avons introduite pour notre dernier prototype', souligne Jos Vlogaert. Autre prouesse : l'immense cylindre doit être très légèrement courbé pour suivre la courbure du tunnel. L'écart entre les extrémités et le centre doit atteindre 9 millimètres, avec seulement un millimètre de précision... sur 15 mètres de long ! Ce travail devra être terminé avant la fin de l'année pour que ce premier aimant subisse les tests dès le printemps prochain.
Mais la suite de la série sera entièrement réalisée chez les constructeurs qui devront apprendre au CERN ces techniques pointues de fabrication. Le Laboratoire a ainsi investi dans trois presses similaires à la sienne chez ses fournisseurs. Idem pour les lignes de fabrication et de frettage de bobines, financées par le CERN.
Après cette première pré-série de 30 aimants, les fabricants devront répondre à un nouvel appel d'offre, au printemps 2001. A la clé, des commandes pour 1158 aimants. Une véritable production à la chaîne !