Les octupôles en pole position

Le premier aimant octupôle de présérie a été livré en décembre dernier au CERN. Couplé à un aimant quadripôle principal, cet aimant devra corriger des défauts des faisceaux. Le LHC sera doté d'environ 5000 aimants de correction, pour faire collisionner les faisceaux de protons avec une extrême précision.

Albert Ijspeert (ICP-LHC) et Christian Giloux , Patrick Viret et Walter Venturini Delsolaro (MTA-LHC) autour du premier aimant octupôle correcteur de présérie qui vient d'être testé au CERN.

Pour y voir clair, le LHC aura besoin d'une kyrielle de lunettes. Voir clair pour un accélérateur, cela consiste à faire se rencontrer les deux faisceaux de protons avec une extrême précision. Et en fait de lunettes, le LHC sera équipé de nombreux aimants de correction. Il sera doté d'environ 5000 aimants supraconducteurs correcteurs, divisés en 10 catégories différentes : des aimants dipôles, des quadripôles, sextupôles, octupôles, décapôles et même des dodécapôles. Ces aimants correcteurs seront quasiment toujours couplés à des aimants principaux pour corriger leur champ magnétique ou pour influer d'une manière spécifique sur les faisceaux de particules.
Après les sextupôles et decapôles-octupôles, montés dans les masses froides des dipôles principaux et dont la production en série a démarré en 2001, c'est au tour des octupôles de faire leur entrée en piste. Le premier aimant octupôle de présérie a été livré en décembre dernier au CERN, inaugurant une série de 168 unités. Cet octupôle est également le premier aimant correcteur de présérie associé aux quadripôles principaux. Les masses froides des aimants quadripôles, appelées « Sections droites courtes », comprendront en effet des octupôles, mais également des dipôles, sextupôles et quadripôles correcteurs.
L'octupôle (MO) consiste en un aimant à double ouverture générant un champ concentré autour de huit pôles pour chacun des deux faisceaux. Il est utilisé pour le « Landau damping » (amortissement Landau) des faisceaux. En simplifiant, « les octupôles constituent une sorte de panacée pour s'affranchir des instabilités que peuvent rencontrer les paquets de protons », explique Albert Ijspeert, du groupe ICP de la division LHC (Insertions, Correctors and Protection) en charge des aimants correcteurs.
Ce premier octupôle a été fabriqué par l'entreprise espagnole Antec grâce à un procédé mis au point par le CERN et qui a fait l'objet d'un transfert de technologie. Les équipes du CERN ont en effet mis au point une technique de bobinage semi automatique capable de produire deux couches de bobinage à la fois. Ce procédé permettra de venir à bout plus rapidement des 1344 bobines à réaliser pour les 168 aimants octupôles attendus d'ici à la mi 2004.
Antec avait testé avec succès les premières bobines à 4,2 Kelvin (-269 degrés celsius). De surcroît, l'octupôle vient de subir des essais plus avancés au CERN pour observer son comportement à 1,9 Kelvin (-271 degrés celsius), la température de fonctionnement du LHC, ainsi que pour mesurer la qualité de son champ. Une fois les résultats analysés par le groupe MTA (Magnet Test & Analysis), l'octupôle sera envoyé chez le fabricant des aimants quadripôles principaux pour être installé sur la première des quelque 400 « Sections droites courtes » attendue sous peu.