Charles Peyrou: 1918-2003
Charles Peyrou a marqué de sa personnalité trente ans de vie au CERN. Il est décédé le 6 avril 2003.
Né le 18 mai 1918 à Oloron-Sainte-Marie (France), il effectua ses études à l'Ecole Polytechnique, devenant élève de la première classe de Louis Leprince-Ringuet, en 1936. Ainsi, fit-il partie du petit noyau de physiciens enthousiastes, participant aux premières expériences sur les rayons cosmiques. En 1938, leur première chambre voyait le jour, une grande chambre de Wilson dans un champ magnétique, déclenchée par compteurs Geiger. Après la guerre, nommé ingénieur en chef d'un grand Corps de l'Etat, il fut détaché auprès de son ancien laboratoire pour reprendre les recherches sur les rayons cosmiques, avec l'installation au Pic du Midi de deux chambres superposées. Cet appareil s'avéra très efficace dans l'étude des particules étranges que l'on commençait à apprivoiser. Pour la première fois, la désintégration d'un kaon en muon et neutrino put par exemple bien être identifiée. On était alors heureux avec une cinquantaine de "bons" évènements par an ! Mais les accélérateurs avançaient. En Europe le CERN se construisait... Charles, déjà Maître de Conférences à l'Ecole Polytechnique (1946-1954), devint professeur à l'Université de Berne (1954-1958) y assurant un cours jusqu'en 1974. A contre-courant d'un certain scepticisme, il se dédia complètement à l'aventure européenne.
Au CERN, dès 1957, Charles assura la transition vers les Chambres à Bulles. D'abord chef du Groupe de Chambres à Bulles, puis Chef de la Division des Chambres à Traces dès 1961, il fut enfin pendant 10 ans à partir de 1966 Directeur du Département de Physique II comprenant la Division des Chambres à Traces. Sa profonde compréhension de la physique comme de l'ingénierie lui permettait de parler avec une égale autorité aux physiciens et aux ingénieurs. Son tempérament généreux, puissant, réaliste, son intuition exceptionnelle de la physique, sa ténacité et son imagination, permirent à la physique des Chambres à Traces de connaître un remarquable développement.
Il dirigea la construction successive des chambres à bulles à Hydrogène de la toute première de 10 cm, celle de 30 cm en 1959, de 200 cm en 1965, jusqu'à BEBC, dotée d'un aimant supraconducteur et qui collectionna plus de 6 millions de photographies. L'impact technologique fut important surtout pour la cryogénie et la supraconductivité. Parallèlement, Charles fournit un support important à la communauté européenne des utilisateurs de chambres à bulles, afin que les physiciens conduisent leurs recherches dans les instituts des divers Etats Membres.
Quand la page des chambres à bulles fut tournée, Charles maintint un intérêt actif dans la vie du CERN. Il aimait discuter avec les jeunes physiciens des tous derniers résultats de physique. Sa vigueur, son goût prononcé pour les mathématiques, sa mémoire étonnante, sa faconde rendaient mémorable chacune de ces rencontres. Son sens de l'organisation et sa grande expérience continuèrent à profiter à l'ensemble du laboratoire.
Au revoir Charles, et merci.