Les fibres dans l'optique du LHC

Pour transporter les masses de données du LHC, le réseau de fibres optiques du CERN est en train d'être complété. 1500 kilomètres de câbles sont à installer dans les tunnels et en surface.

Pour installer le réseau de fibres optiques du LHC, il faudra beaucoup, beaucoup, de souffle ! Les câbles de fibres optiques sont en effet insérés dans des mini tubes protecteurs. Et cette insertion se réalise en poussant et soufflant littéralement la fibre dans le tuyau. Evidemment, ce ne sont pas des «souffleurs» humains qui réalisent l'opération, mais des machines délivrant de l'air sous pression. Le LHC poussant les technologies dans leurs retranchements, la firme spécialiste de cette technique a d réaliser des prouesses. Draka Comteq-NKF, l'entreprise qui fournit et installe les réseaux de fibres optiques pour le LHC, a même battu un record mondial au CERN. Le 12 juin dernier, à 2h du matin, 3100 mètres de mini-câble optique a été soufflé en l'espace d'une heure environ, entre les points 7 et 8, en appliquant une pression de 14 bars dans le tube.


Le système JETnet pousse et souffle les mini-câbles sous haute pression dans leur tube protecteur.

Pour le LHC, un réseau de plus de 1500 kilomètres de câbles fibres optiques doit être installé, sans compter les besoins des expériences. Ces fibres - qui peuvent transporter des débits jusqu'à 1000 gigabits/s chacune - auront le rôle déterminant de transmettre les informations en temps réel pour de multiples tâches : les mesures du faisceau et de l'état de la machine, le transfert des masses phénoménales de données des expériences, la synchronisation des accélérateurs, etc... Une des difficultés est de «mettre en place un réseau similaire à celui d'une ville, avec de nombreuses ramifications», explique Luit De Jonge, responsable de la section fibres optiques au sein du groupe ST/EL. De plus, les liaisons doivent être redondantes pour assurer les communications, même lors d'une défaillance.
Dès le début du démantèlement du LEP, les travaux ont débuté pour compléter les liaisons de surface installées pour le LEP, c'est à dire celles qui ne passent pas par les tunnels du LHC. Ainsi les points 5 et 7 ont été reliés au réseau existant qui connecte les autres points depuis la salle de contrôle des accélérateurs à Prévessin (PCR). Une fibre spécifique, fabriquée par la firme japonaise Sumitomo, est utilisée pour des liaisons de synchronisation vers le point 4. Cette fibre, utilisée pour le projet LEP200, a prouvé son bon fonctionnement. Un revêtement spécial, avec un coefficient de température négative, l'empêche en effet de se dilater avec les écarts de températures quotidiens et saisonniers. Ainsi, la longueur de la fibre ne varie pratiquement pas et le temps de transmission reste le même à quelques milliardièmes de seconde près. Cette exactitude est cruciale lorsque l'on sait par exemple que les accélérateurs devront être parfaitement synchronisés entre eux.


Le système des mini-tubes, très flexibe, consiste en plusieurs mini-tubes contenant un mini-câble de 1 à 24 fibres optiques.

Pour le réseau de fibres optiques qui parcourt les tunnels du LHC, c'est une toute nouvelle technique qui a été utilisée, celle des mini-tubes. Au lieu d'installer un câble qui contient une centaine de fibres optiques, on insère plusieurs mini-tubes dans un tube protecteur. Chaque mini-tube peut recevoir un mini-câble contenant de 1 à 24 fibres. L'intérêt de ce système est qu'il est très flexible et économique. Lorsqu'un destinataire doit être connecté le long de la liaison, il suffit de le raccorder en sortant seulement un mini-tube. De même, en cas d'avarie sur la liaison, seul le câble du mini-tube incriminé est à changer. Enfin, si les besoins augmentent, il suffit de rajouter des mini-câbles.
C'est Draka Comteq-NKF qui a remporté le contrat de fourniture et d'installation de ces mini-tubes au terme de deux années d'études, de tests de faisabilité, d'étude de marché et d'appel d'offres réalisés en collaboration avec la division SPL. L'entreprise néerlandaise a commencé à poser, avec l'installateur suisse Mauerhofer & Zuber, une liaison de 27 kilomètres autour de l'anneau du LHC. Ce tube, qui contient 10 mini-tubes de 24 fibres au maximum chaque, est destiné aux fonctions de communications et de contrôle. En plus, 5 câbles contenant 7 mini-tubes sont installés dans chaque octant de l'anneau pour relier l'instrumentation en surface à toutes les stations d'observation du faisceau. Ces fibres transmettront les informations pour permettre de positionner et mesurer le faisceau et ses pertes. «Pour ces liaisons, les mini-tubes s'avèrent très utiles car il faut relier une station d'observation de faisceau environ tous les 50 mètres», explique Luit De Jonge.
C'est en réalisant une telle liaison, entre les points 7 et 8, que l'entreprise a d'ailleurs battu le record mondial de longueur de câble soufflé dans un tube. Une fois cette section achevée, le secteur entre les points 2 et 3 sera équipé à l'automne, et ainsi de suite. Les mini-tubes ont tellement séduit qu'ils devraient également équiper des liaisons de surface entre la salle de contrôle de Prévessin et les points 2, 32, 33 et 4.
En tout, 2500 kilomètres de mini-tubes seront installés. Tous les tubes ne seront pas immédiatement utilisés, mais pourront accueillir de nouveaux câbles dans le futur pour renforcer le réseau.