De plus grands angles pour COMPASS

Un nouvel aimant de 5 tonnes et de 2,5 mètres de long arrivé en décembre dernier va équiper COMPASS (Common Muon Proton Apparatus for Structure and Spectroscopy) et en augmenter nettement l'acceptance maximale. Un nombre d'événements bien plus grand qu'auparavant pourra ainsi être observé.


Le nouvel aimant de COMPASS, qui permettra une acceptance maximum, est installé dans l'expérience.

L'expérience COMPASS a pour but d'étudier comment les quarks et les gluons forment des hadrons et, en particulier, quels sont les éléments qui contribuent au spin du nucléon (protons et neutrons). La collaboration, qui a commencé à acquérir des données en 2002, utilise une cible polarisée, dans laquelle les spins des nucléons sont alignés. Cette cible est frappée par un faisceau de muons provenant du SPS. Le faisceau de muons sert à sonder l'intérieur des particules. La cible polarisée est soumise à une induction magnétique de 2,5 teslas et refroidie à la température cryogénique de 50 millikelvins, ce qui en fait le point le plus froid du CERN.

Le nouvel aimant facilite la détection des particules émergeant à grand angle des collisions dans la cible, essentiellement en raison de ses caractéristiques exceptionnelles, dont l'ouverture intérieure de 63 cm. De plus, des améliorations futures du trajectographe permettront aux physiciens d'observer des particules qui auraient été absorbées par l'ancien aimant, dont l'ouverture n'était que de 27 cm. Le nombre d'événements détectés va donc être considérablement augmenté. «Nous pourrons disposer d'une plus grande ouverture angulaire pour détecter et suivre les particules», explique Alain Magnon, l'un des porte-parole de COMPASS.

L'entreprise Oxford Instruments ayant rencontré des difficultés pour mener à bien le projet, le travail sur l'aimant a été repris par l'entreprise britannique Oxford Danfysik en 2003 et 2004. Un Comité d'examen international regroupant des experts du CEA-Dapnia, du CERN et du KEK a supervisé la reprise de la conception de la principale bobine magnétique. Cette étape terminée, l'aimant a passé un an au CEA où il a été testé et instrumenté. L'équipe COMPASS avait précisé à Oxford Instruments qu'il lui fallait obtenir un champ magnétique uniforme à 10-4 près, soit 1/10000. Une uniformité parfaite du champ est en effet nécessaire pour assurer l'homogénéité de la polarisation à l'intérieur de la cible. Pendant l'essai, l'équipe du CEA a constaté en dressant la carte du champ magnétique qu'elle parvenait à une homogénéité de ± 3 x 10-5, trois fois meilleure que les spécifications.

Pour créer le champ uniforme requis, il est nécessaire de concevoir et de construire un aimant relativement perfectionné, beaucoup plus complexe qu'un simple solénoïde. Le nombre et la variété des différentes bobines formant l'aimant sont un point essentiel pour obtenir une grande uniformité. Deux grandes bobines de compensation sont placées à chaque extrémité de l'aimant et 16 bobines de correction sont réparties dans l'ensemble du volume. Enfin, deux bobines en forme de selle, l'une au-dessus et l'autre au-dessous, permettent de changer rapidement l'orientation du champ magnétique et ainsi de tourner le spin des particules dans une autre direction.

Bien que la construction de ce nouvel aimant ait dû surmonter un certain nombre de difficultés, pour Alain Magnon, «c'est là un très bon exemple de collaboration dans laquelle tous les acteurs ont fait beaucoup d'efforts pour résoudre les problèmes».

Actuellement, l'aimant est complètement installé à son emplacement final dans le bâtiment 888 et des essais sont en cours pour voir s'il continue à présenter les propriétés démontrées précédemment au CEA. Ce point est important car des interférences avec les champs magnétiques produits par de grands aimants situés à proximité sont à craindre.

Afin de tirer parti des possibilités offertes par le nouvel aimant, COMPASS s'apprête à améliorer certains détecteurs de son spectromètre avant la prochaine période d'expérimentation, qui devrait commencer en juin 2006. Le trajectographe, qui comprend un total de 320 000 canaux de détection, sera renforcé en particulier pour couvrir les nouvelles plages angulaires. Le détecteur Chérenkov à focalisation annulaire (RICH) sera amélioré pour permettre une lecture plus rapide et, au centre, une meilleure détection des photons. Le programme d'expérimentation s'étendra sur les cinq années à venir. «Nous faisons tout notre possible pour apporter des améliorations en 2006 afin d'obtenir de meilleures performances dans l'identification des particules et la trajectographie et de maximiser l'acceptance et l'efficacité du spectromètre», conclut Gerhard Mallot, l'un des porte-parole de COMPASS.


Un aperçu de l'intérieur de l'aimant solénoïde sophistiqué de COMPASS.


COMPASS est une collaboration regroupant 250 personnes en provenance d'Europe, d'Inde, du Japon et de Russie. L'acquisition de données a commencé en 2002 et les physiciens ont déjà analysé les données recueillies en 2002 et 2003. Parmi les premiers résultats obtenus, un des plus intéressants concerne le rôle joué par les gluons, qui sont les particules qui lient les quarks à l'intérieur du nucléon. COMPASS a déjà montré que la contribution des gluons au spin du nucléon est inférieure aux attentes de bien des théoriciens.