Le mot du DG: Le CERN se mobilise pour l'éducation scientifique

L'enseignement des sciences physiques traverse-t-il une crise? Si oui, pourquoi? À l'heure où la physique et les autres sciences exactes devraient susciter un intérêt grandissant, les universités constatent une désaffection pour ces matières, au point que certains départements ferment leurs portes. Pas plus tard que la semaine dernière, le quotidien britannique le Guardian, dans un article intitulé «Sir, can we do something easier?» (Monsieur, pouvons-nous trouver une matière plus simple à étudier?), posait deux questions: «Pourquoi la difficulté n'attire-t-elle plus personne et cela est-il grave?» La première question est presque rhétorique: la physique, explique le Guardian, est perçue comme une matière difficile, sans intérêt, qui n'offre pas de perspectives professionnelles intéressantes.

La réalité est pourtant bien différente. L'industrie déplore déjà un nombre insuffisant de diplômés en physique accédant au marché de l'emploi industriel et à l'avenir cette pénurie ne fera que s'accentuer. L'Union européenne, qui a pour objectif de devenir la plus compétitive des sociétés fondées sur la connaissance, prévoit que 500000 chercheurs supplémentaires seront nécessaires dans les années à venir. Or, actuellement, le nombre des chercheurs en formation ne peut satisfaire ces besoins.

Au CERN, nous sommes bien placés pour savoir que la physique est tout sauf inintéressante. La nature des recherches menées dans notre Laboratoire est à même de stimuler les esprits et, ainsi, de rendre la physique plus attrayante. Le démarrage imminent du LHC nous offre une occasion unique de contribuer à redorer l'image de la physique chez les jeunes et notre programme de formation complémentaire pour les professeurs de l'enseignement secondaire a déjà démontré qu'il oeuvrait en ce sens.

La qualité de l'enseignement secondaire scientifique est un élément décisif pour inverser la tendance et contrer le déclin de la physique dans les universités. Les programmes scolaires sont largement dépassés et les enseignants n'ont pas assez de moyens pour proposer à leurs élèves des cours de physique modernes et passionnants. Le CERN depuis 1998 a mis sur pied un cours de formation résidentiel destiné aux enseignants scientifiques du secondaire. À ce jour, environ 400 professeurs y ont participé, et continuent à faire vivre un réseau actif d'enseignants ayant acquis une expérience personnelle du CERN et possédant les connaissances nécessaires pour intégrer la physique moderne dans leurs cours. L'année dernière, j'ai décidé de donner un coup de pouce à cette initiative en mettant en place au CERN un nouveau groupe Éducation chargé de développer le programme.

Jusqu'à présent, les enseignants venaient au CERN suivre une formation de trois semaines dispensée en anglais. Désormais, ils auront aussi la possibilité de passer une semaine au CERN pour suivre des cours dans leur langue maternelle. Nous espérons pouvoir proposer six à huit sessions par an. La première a débuté le 20 août, avec la venue au Laboratoire de 38 enseignants hongrois. Des sessions destinées à des professeurs suédois, allemands et danois devraient suivre. Le groupe Éducation travaille en étroite collaboration avec les réseaux d'enseignants et les ministères de l'enseignement des États membres afin de veiller à ce que les professeurs puissent utiliser dans les salles de classe l'expérience acquise au sein du Laboratoire, montrant ainsi à leurs élèves l'utilité des études dans leur vie personnelle et, peut-être, dans leur future carrière.

À la deuxième question du Guardian qui se demandait si la désaffection constatée était grave, on peut répondre qu'il est essentiel que les jeunes quittent l'école avec un bagage scientifique minimal et que certains d'entre eux décident de poursuivre des études scientifiques. Nous vivons dans un monde où la science prend de plus en plus d'importance, un monde qui est confronté à des questions auxquelles seule la science peut répondre. Pour cela, nous avons besoin à la fois de scientifiques, toujours plus nombreux, et d'une population possédant une culture scientifique lui permettant de se forger une opinion avisée sur des problèmes complexes. Avec son programme de formation complémentaire pour les professeurs de l'enseignement secondaire, le CERN y contribue.

Lien vers l'article du Guardian: http://education.guardian.co.uk/higher/news/story/0,,1852041,00.html

Robert Aymar