... ALICE progresse encore avec de nouveaux détecteurs

Depuis l'installation du HMPID, le projet ALICE va bon train: d'autres détecteurs ont été descendus dans le hall de l'expérience, comme le premier supermodule du détecteur à rayonnement de transition (TRD) qui y a été installé sans encombre le 10 octobre.


Les collaborateurs allemands du TRD à côté du supermodule monté sur un cadre rotatif (en bas à gauche) dans le hall souterrain d'ALICE.

Dans sa configuration finale, les 18 supermodules du TRD formeront un cylindre entourant la grande chambre de trajectographie tridimensionnelle (TPC) et seront l'un des éléments du tonneau central d'ALICE. Chaque supermodule, de 7 mètres de longueur, comporte 30 chambres à dérive disposées sur six couches. Les supermodules sont le fruit d'une collaboration entre cinq instituts, situés en Allemagne (les universités de Francfort et de Heidelberg et la Gesellschaft für Schwerionenforschung de Darmstadt), en Roumanie (NIPNE Bucarest) et en Russie (IURN Doubna), les radiateurs (voir encart «Le saviez-vous?») étant produits à l'Université de Münster (Allemagne).

Au cours de l'été, les chambres à dérive du premier supermodule ont été équipées de leur électronique de lecture et insérées dans l'enveloppe du supermodule à l'Université de Heidelberg. Après son transport au CERN, le 27 septembre, le module a été testé en surface avec des rayons cosmiques, puis a été descendu dans le hall souterrain le 9 octobre. L'installation définitive a eu lieu le lendemain.

L'expérience ALICE a pour objet d'étudier la nature du plasma quarks-gluons, qui est l'une des clés nécessaires à la compréhension de la structure fondamentale de la matière ordinaire. Les quarks sont soudés ensemble par les gluons à tel point qu'il est quasiment impossible de les séparer dans des conditions normales.

Le LHC accélérera des ions lourds à une vitesse proche de celle de la lumière, et réalisera des collisions frontales dans lesquelles la matière sera chauffée à des températures suffisamment élevées pour libérer, l'espace d'un instant fugace, les quarks et les gluons. Les détecteurs d'ALICE scruteront des trajectoires de près de 20000 particules créées dans ces collisions. Le détecteur à rayonnement de transition devra identifier, dans ce grouillement de particules, les paires d'électrons de haute énergie également produites. Ces paires d'électrons sont en effet susceptibles de signer la désintégration d'autres particules (quarkoniums, charme apparent, beauté apparente), qui peuvent servir de sondes pour l'étude du plasma quarks-gluons.

En un sens, cela revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Le détecteur à rayonnement de transition permettra, aux fins du déclenchement, d'identifier en temps réel ces événements rares mettant en jeu des paires d'électrons de haute énergie. Le système de déclenchement est constitué d'une électronique de lecture installée sur le détecteur lui-même et de systèmes électroniques spécialisés. En l'espace de 6 microsecondes après chaque collision, les signaux délivrés par le détecteur doivent être numérisés et les données produites par tous les canaux (1,2 million pour la totalité du TRD) doivent être traitées. Toutes les trajectoires de particules traversant le TRD doivent être reconstituées pour que l'on puisse trouver les électrons recherchés. A cette fin, des puces de lecture entièrement dédiées et fortement intégrées ont été mises au point à l'Université de Heidelberg. En tout, 15000 unités centrales situées directement sur le détecteur sont employées dans chacun des 18 supermodules du TRD pour assurer cette fonction.

Le saviez-vous?

Le rayonnement de transition est produit par des particules chargées rapides lorsqu'elles traversent la frontière entre des matériaux présentant des constantes diélectriques différentes. L'origine de ce phénomène est liée au fait que le champ électrique de la particule est différent dans chaque matériau. Pour simplifier, on peut dire que la particule doit «se débarrasser» de cette différence lorsqu'elle franchit cette frontière. Comme l'émission du rayonnement de transition est liée à la vitesse de la particule, il est souvent utilisé comme signature pour identifier les électrons. Les électrons sont légers; ils se déplacent donc beaucoup plus rapidement que les autres particules ayant la même impulsion.

Les photons du rayonnement de transition produits par les électrons ont des longueurs d'onde situées dans la gamme des rayons X. Toutefois, le nombre de photons produits lors du franchissement des interfaces est très faible. Ainsi, dans les détecteurs à rayonnement de transition classiques, on utilise soit des empilements de feuilles d'épaisseur et d'interstice très précis, soit des matériaux en fibre ou en mousse offrant plusieurs centaines de lignes de séparation. Les radiateurs sont placés directement devant un détecteur de particules, tel que les chambres à dérive du TRD d'ALICE, afin de détecter à la fois la particule chargée et les photons produits par le rayonnement de transition.