Un mot de Steve Myers : Début du marathon pour la mise en service et l’exploitation

Dans le dernier Bulletin, Lyn Evans comparait la phase de construction du LHC à un marathon qui touche aujourd’hui à sa fin. La comparaison est tout à fait exacte. Grâce au travail acharné et au dévouement de toute l’équipe de construction, le CERN dispose maintenant d’un superbe accélérateur prêt à être mis en route pour être amené à son niveau de performance maximum. Cependant, pour beaucoup d’entre nous, la phase de mise en service et d’exploitation du LHC se présente comme un deuxième marathon, dont le départ vient d’être donné.

C’est au début des années 1980 que j’ai eu affaire pour la première fois au LHC, alors que nous étions encore pleinement occupés à la construction du LEP. À l’invitation d’Herwig Schopper, alors Directeur général du CERN, je me suis trouvé participer, aux États-Unis, à une rencontre traitant des futurs collisionneurs de protons. À la suite de cette rencontre, mon patron, le regretté Wolfgang Schnell, et moi avons publié en avril 1983 « LEP note 440 », qui présentait des estimations préliminaires des performances possibles d’un collisionneur de protons dans le tunnel du LEP.

Après la décision controversée prise en l’an 2000 de démanteler le LEP et après la période de deuil de rigueur, la plupart des membres des équipes du LEP ont été réaffectés au LHC. Et, sans aucun doute, l’une des précieuses contributions de ces personnes au projet LHC a été l’expérience acquise durant les 12 années passées à faire fonctionner le plus grand collisionneur du monde. Nous avons fait tout notre possible pour faire bénéficier le projet LHC de notre expérience et, ce qui est presque aussi important, nous nous sommes évertués à ne pas répéter les erreurs faites avec le LEP. Le plus gros problème rencontré au début de la mise en service du LEP provenait des systèmes de contrôle et de diagnostic des accélérateurs, peu performants, voire absents. Au vu de l’incroyable succès du premier test de synchronisation pour le LHC, il semblerait que notre approche ait payé.

Maintenant que nous voilà sur la ligne de départ, quels sont nos objectifs à court terme ? D’abord, faire circuler un faisceau (c’est-à-dire lui faire faire des centaines de milliers de tours), puis accumuler un bon temps de vie, puis répéter l’opération avec le deuxième faisceau. Il s’agira ensuite d’accélérer progressivement ces faisceaux jusqu’à une haute énergie en passant par le redouté « snap-back » et de comprimer les faisceaux aux points d’interaction où se produiront les collisions qui permettront de collecter des données de physique.

Lorsque tout ceci fonctionnera, certains seront peut-être irrésistiblement poussés à crier victoire. Espérons que ceux-là ne subiront pas le sort du vaillant Philippidès qui, selon la légende, après sa longue course de Marathon à Athènes, cria « victoire » aux Athéniens qui l’attendaient, avant de s’écrouler, mort d’épuisement !

Steve Myers