Felicitas Pauss - La physique sans frontières

Dans le but de faire du CERN un laboratoire véritablement mondial, le Directeur général a nommé Felicitas Pauss à la nouvelle fonction de coordinatrice des relations extérieures. Le Bulletin l’a rencontrée.



«Il règne déjà au CERN une excellente ambiance de collaboration internationale, de coopération au-delà des frontières politiques. Cette caractéristique remarquable est propre aux collaborations scientifiques», explique Felicitas Pauss, la nouvelle coordinatrice des relations extérieures.

Fondé il y a plus d’un demi-siècle, le CERN est alors investi d’une mission a priori irréalisable: souder une communauté européenne de physiciens des particules issus de pays qui s’étaient déchirés pendant la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, cette mission de collaboration revêt une importance tout aussi cruciale, non seulement en Europe, mais également dans le monde entier.

«Le paysage de la physique des particules a vraiment changé au cours des dernières années, souligne Felicitas Pauss. Comme l’a déclaré Rolf Heuer, «une sorte de violation de symétrie s’est produite». Il est certain que, dans l’avenir, tout nouveau projet d’importance devra être réalisé à l’échelle planétaire». Les projets d’accélérateurs de particules de demain seront d’une telle ampleur qu’une seule organisation ou un seul pays ne suffira pas pour les mener à bien. Aussi le CERN devra-t-il collaborer plus étroitement non seulement avec d’autres pays du monde, mais aussi avec d’autres laboratoires de physique des hautes énergies.

En décembre, le Conseil a créé le groupe de travail sur l’élargissement scientifique et géographique du CERN. «Mon rôle en tant que coordinatrice des relations extérieures est essentiellement d’aider le Directeur général à atteindre cet objectif», précise Felicitas. «Ces discussions et négociations auront lieu durant une période passionnante pour le CERN; le LHC verra ses premières collisions cette année et sera le fer de lance de la physique des particules pour les décennies à venir; il a déjà attiré des centaines de nouveaux utilisateurs du monde entier».

Le CERN compte 20 États membres, mais il a aussi conclu des accords avec plus de 40 autres pays. Au cours des quatre dernières années, les utilisateurs du CERN issus d’États non-membres ont augmenté de près de 50 %. « Il s’agit là d’un point essentiel: comment intégrer au CERN – aujourd’hui et demain – les communautés scientifiques des États non-membres?» poursuit-t-elle. Au cours des prochains mois, le nouveau groupe de travail du Conseil définira les stratégies pour la participation future d’États non-membres aux activités du CERN.

«Tous les scénarios sont envisageables, explique-t-elle, du maintien de la situation actuelle, le CERN restant un laboratoire européen lié par des accords individuels avec chaque État non-membre, à la possibilité pour n’importe quel pays du monde de devenir membre.» Début mars, le groupe de travail tiendra sa première réunion, où il examinera toutes ces possibilités, dans le but de trouver des solutions réalisables.

Une autre tâche importante consiste à renforcer les relations entre le CERN et les autres laboratoires et instituts de physique des hautes énergies. Par le passé, la construction des accélérateurs du CERN était essentiellement financée par les États membres, et bénéficiait parfois de la contribution de certains États non-membres. Mais, comme l’indique Felicitas, «les expériences sont menées par des collaborations réunissant un grand nombre d’instituts de pays très divers, États membres ou non. Étant moi-même une physicienne expérimentatrice et ayant participé à l’expérience CMS pendant de nombreuses années, je connais à la fois les défis et les atouts de ces collaborations, poursuit-elle. Je pense que les collaborations pourront nous apporter de précieux enseignements pour les futurs accélérateurs. C’est déjà le cas du projet CLIC, dont les travaux de R&D sont menés en collaboration avec des universités et d’autres laboratoires. L’idée de partenariat décrit bien selon moi la nature de cette relation – partenaires pour réaliser un projet commun, nous travaillons tous sur un pied d’égalité».

«Tous ces axes sont indissociables, souligne Felicitas, et sont essentiels pour façonner l’avenir à long terme du CERN, le but ultime étant de créer un laboratoire véritablement mondial».

Le parcours de Felicitas Pauss en bref

Felicitas Pauss obtient son doctorat en physique théorique en 1976, à l’Université de Graz (Autriche). En 1978, alors qu’elle est nommée postdoctorante à l’Institut Max Planck, elle s’oriente vers la physique expérimentale des particules. Elle poursuit ses travaux de recherche à l’Université de Cornell et au CERN, en travaillant sur plusieurs expériences, notamment pour les collaborations UA1 et L3, avant d’être nommée en 1973 professeur à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Elle rejoint la Collaboration CMS en 1994 et participe à la conception et à la construction de l’expérience, ainsi qu’à sa gestion. De 1997 à 2007, elle dirige l’Institut de physique des particules de l’EPFZ de Zurich. En janvier 2009, elle devient coordinatrice des relations extérieures au CERN.

Felicitas Pauss a toujours manifesté un vif intérêt pour l’avenir de la physique des particules. Elle a participé à divers groupes de travail pour évaluer le potentiel d’expérimentation de nouveaux projets d’accélérateurs en Europe et aux États-Unis, et est encore à ce jour membre de nombreux comités consultatifs scientifiques internationaux.