James V. Allaby (1936-2009)




En 1977, Jim Allaby devant le calorimètre cible de l’expérience sur les neutrinos CHARM (WA18).

Nous avons été émus et attristés d’apprendre que Jim Allaby nous a quittés le 7 avril dernier. Né à Preston (Angleterre) en octobre 1936, il avait obtenu un premier diplôme en physique au King’s College de Londres avant de partir à Liverpool pour préparer son doctorat au synchrocyclotron de l’université. Ce fut là sa première expérience dans l’étude de la diffusion élastique proton-proton, et également le début d’une longue amitié avec Bert Diddens, qui était à l’époque boursier du CERN.

Au début des années 60, Jim partit au SLAC, où il travailla avec Dave Ritson sur la diffusion inélastique des électrons par les protons. Dave Ritson appréciait beaucoup le calme de Jim et son approche systématique de tous les problèmes auxquels il pouvait être confronté. Ainsi, ce fut tout à fait naturel pour Jim de retourner au SLAC par la suite et pour Dave Ritson de participer à l’expérience DELPHI dans les années 90.

Jim arriva au CERN durant l’été 1965. Il intégra le groupe de Giuseppe Cocconi, Bert Diddens et Alan Wetherell, qui préparaient des expériences sur la diffusion proton-proton dans un faisceau de protons extrait lentement du PS au plus haut niveau d’énergie. Ces travaux conduisirent à la découverte dans la diffusion élastique de structures à grand angle et du phénomène du « disque noir ». Grâce à sa parfaite maîtrise de la langue anglaise, Jim fut le rédacteur consciencieux des publications sur ce sujet, rôle qu’il endossa également plus tard pour bien d’autres expériences.

En 1968, un groupe du CERN, formé autour d’Alan Wetherell, de Bert Diddens et de Jim, entama une collaboration pour étudier la production de particules et la section efficace totale des collisions hadron-hadron au nouvel accélérateur de 70 GeV à Serpoukhov. Jim prit sa mission très au sérieux et apprit le russe, mieux que tous les autres. La bureaucratie était très dure et les gens de Protvino n’avaient pas le droit d’avoir des contacts non-professionnels avec l’équipe du CERN. Mais Jim excellait dans l’art de contourner cette difficulté, grâce à son caractère, sa sociabilité et sa connaissance de la langue.

Le rôle de Jim dans le développement des relations avec l’Europe de l’Est se poursuivit à l’époque du SPS, alors qu’il était membre du Comité scientifique conjoint pour la coopération entre le CERN et l’IHEP. Il fut ensuite co-président d’un comité similaire pour la coopération entre le CERN et JINR.

En 1970, le groupe du CERN se joignit à l’équipe de Rome-ISS (Istituto Superiore della Sanità), qui avait proposé de mesurer la diffusion élastique à petit angle dans les anneaux de stockage à intersections (ISR), alors presque achevés, en utilisant une technique qui portera plus tard le nom de « pots romains ». Jim participa à la phase initiale de l’expérience, qui donna lieu à plusieurs découvertes, notamment celle de l’augmentation de la section efficace proton-proton. Parallèlement, Jim se consacrait de plus en plus à la communauté des physiciens, d’abord en tant que coordinateur du PS en 1970, puis en tant que membre de l’équipe en charge du programme d’expérimentation du SPS. John Adams le nomma alors coordinateur de ce programme pour la physique, en étroite collaboration avec les groupes responsables de la conception des zones d’expérimentation et des faisceaux. Cette collaboration fructueuse conduisit à la construction du premier ensemble de faisceaux, avec tous les dispositifs de détection et d’identification de particules requis. Ce travail révéla les qualités particulières de Jim, toujours prêt à servir la communauté en mettant en œuvre ses idées, il était également capable de faire des compromis raisonnables et de prendre des décisions sans froisser ses partenaires.

Ce qui passionnait le plus Jim au SPS, c’étaient les recherches sur les interactions de neutrinos par courant neutre, réalisées dans le cadre de l’expérience CHARM, une collaboration entre le CERN et des équipes de Hambourg, Amsterdam, Rome et Moscou. Ces travaux comprenaient des tests sur la nature des interactions par courant chargé, basés sur la mesure de la polarisation des muons produits en amont dans le calorimètre de l’expérience CDHS. Ces tests nécessitaient de transformer le calorimètre en marbre de 400 tonnes de CHARM en un polarimètre à muons. Jim s’impliqua fortement dans la construction du détecteur et en particulier dans cette transformation.

À la fin des années 70, Jim devint l’un des pères fondateurs de l’expérience DELPHI. Il joua un rôle important dans la genèse du détecteur RICH, qui était au départ sphérique, avant que ne soit finalement adoptée une forme cylindrique. DELPHI fut la première collaboration à former un groupe interdivisionnaire au CERN et à séparer les responsabilités entre le chef de l’« équipe du CERN » d’un côté, et le porte-parole de l’autre. Jim occupa le poste de chef d’équipe pendant de nombreuses années avec l’efficacité, le dévouement et le style de management « amical » qui le caractérisaient. Parallèlement, il mena le projet d’acquisition de données de DELPHI, de sa conception à la mise en service en 1989.

Jim fut nommé chef de division quand Carlo Rubbia était directeur général du CERN et, à ce titre, il continua à apporter un soutien important au programme LEP. Il fut également chargé des relations avec les États non-membres du CERN.

À la fin de son mandat de chef de division, Jim rejoignit la collaboration L3 au LEP. Il apporta d’importantes contributions à de nombreuses publications de L3 et fut le président de son comité de publication. Après la collaboration L3, il travailla sur l’expérience AMS, participant aux préparatifs pour le premier vol de navette et la mission d’AMS à bord de la Station spatiale internationale.

Après son départ à la retraite, Jim devint membre du comité du Groupement des anciens du CERN et de l’ESO (GAC-EPA), une nouvelle fois dans un esprit de service envers la communauté des retraités du CERN et des membres de leurs familles.

Nous partageons la peine de sa famille et nous adressons nos plus sincères condoléances à Jean et Mark.

Ses collègues et amis

Jean et Mark Allaby remercient toutes les personnes qui ont assisté aux obsèques de Jim. Ils expriment leur reconnaissance pour les nombreux messages d’affection et les cartes de condoléances qu’ils ont reçus, ainsi que pour les dons généreux en faveur de la recherche contre le cancer.