Examen quinquennal 2010 : confirmation de la dérive de nos salaires

Examen quinquennal 2010 :
confirmation de la dérive de nos salaires


Un examen général de nos conditions financières et sociales a lieu tous les cinq ans : « l’examen quinquennal », dont l’annexe A1 des Statut et Règlement du personnel décrit les principes et la procédure.

L’objet de l’examen quinquennal est d’assurer que les conditions financières et sociales offertes par l’Organisation permettent à celle-ci d’engager, dans tous ses Etats membres, et de retenir en son sein les titulaires de la plus haute compétence et de la plus grande intégrité nécessaires à l’exécution de sa mission.

L’examen quinquennal inclut, à titre obligatoire, les traitements de base (les salaires de base des titulaires, les mensualités des boursiers et les allocations de subsistance des membres du personnel associés) et, à titre facultatif, toute autre condition financière ou sociale.

Le début de l’examen quinquennal 2010 et la collecte des données

Comme nous l’avons écrit dans Écho No 80, pour l’examen quinquennal 2010 (ci-après 5YR 2010), dans sa réunion du 19 juin 2009, le Conseil du CERN a approuvé le document CERN 2862. Il s’agissait de la proposition de la Direction qui, à part la partie obligatoire (les traitements de base), ne retenait pour la partie facultative que l’assurance maladie (CHIS). Toutefois, pour satisfaire une demande des États membre au TREF, le Directeur général a ajouté la possibilité, si cela s’avérait nécessaire, de revoir les procédures de l’Annexe A1 à la fin de l’exercice 5YR 2010.

Pour le volet assurance maladie le CHISB, un autre sous groupe du CCP qui supervise notre système de santé, s’est occupé des études actuarielles nécessaires et de la collecte de données (voir Écho No 102).

Dans ce qui suit nous nous limiterons donc au dossier des salaires.

Afin d’examiner objectivement nos conditions financières, une comparaison avec l’extérieur est nécessaire. Un sous-groupe du CCP constitué de représentants des trois secteurs, de l’Association et de HR s’est occupé de récolter et d’analyser les informations requises. Pour cela un certain nombre de jobs type des carrières administratives et techniques ont été définis et pour chacun, des experts externes (OCDE/CCT) ont comparé les salaires du CERN avec ceux des meilleurs employeurs du secteur de la haute technologie, dans la zone locale (filières AA à B) et dans plusieurs pays européens (filières C à G).

En parallèle, pour les conditions financières des boursiers et le personnel associé, le Département HR du CERN s’est occupé des comparaisons nécessaires.

Résultat de la collecte des données
Notons d’abord qu’une comparaison des conditions offertes aux boursiers au CERN et dans les laboratoires DESY, EMBL, ESO, ESA et les labos de recherche de l’Union européenne a montré que le CERN reste un employeur attractif.

Similairement, une étude comparative a vérifié que les conditions financières et sociales offertes par l’Organisation aux membres du personnel associés lui permettent de les accueillir dans ses installations de recherche, compte tenu du niveau du coût de la vie le plus élevé dans la région limitrophe de l’Organisation.

Pour les titulaires, rappelons que pour les filières de carrière AA à B la comparaison se fait avec les employeurs établis dans la région limitrophe de l’Organisation qui offrent les salaires parmi les plus compétitifs. Concernant les filières de carrière C à G, il faut considérer les employeurs établis dans les États membres qui, selon les informations recueillies auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou, à défaut, de toute autre source officielle, offrent les salaires les plus compétitifs. Il est à noter que les comparaisons se basent sur des salaires nets corrigés en fonction du pouvoir d’achat dans le pays en question (valeurs PPP, purchasing power parity).

Afin de définir les termes « parmi les plus compétitifs » et « les plus compétitifs » introduisons les notions de premier quartile (Q1), médiane (Me) et troisième quartile (Q3) qui correspondent, respectivement, à des fréquences cumulées de 25%, 50% et 75%. Prenons l’exemple d’une distribution d’entreprises que nous classons par salaire croissant (Fig. 1). La médiane (Me) correspond au salaire tel que la moitié des entreprises de l’échantillon offre un salaire inférieur et l’autre moitié un salaire supérieur. Le 3e quartile (Q3) correspond au salaire tel que un quart des entreprises de l’échantillon offre un salaire plus élevé et trois quart offrent un salaire plus faible.
 
Fig. 1 : Les 1e (Q1) et 3e (Q3) quartiles, la médiane (Me) et les entreprises les plus compétitives.

La définition « parmi les plus compétitifs » signifie autour du 3e quartile (Q3) et « les plus compétitifs » se réfère à une valeur bien plus haute que le 3e quartile.

Résultat de la comparaison des conditions salariales dans le bassin local
Pour des jobs types dans les domaines administratif et technique pour les filières AA, A et B la comparaison a montré que les salaires au CERN (la ligne 100% dans la Fig. 2) se situent autour de la médiane des salaires offerts sur le marché suisse (donc sont en-dessous des salaires «  parmi les plus compétitif ».
 
Fig. 2 : Salaires offerts par les entreprises de comparaison dans le bassin local normalisés sur les salaires CERN.

Partie de gauche : activités administratives.
Partie de droite : activités techniques.
Boîte gauche : célibataire.
Boîte droite : marié.

Résultat de la comparaison des conditions salariales dans le bassin de recrutement international

Pour leurs comparaisons internationales la section SIO/IOS de l’OCDE a comparé les salaires pour un célibataire et pour un employé marié avec deux enfants pour les différents jobs-type au CERN avec ceux dans les pays qui offrent les conditions les plus compétitives (l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suisse), plus un pays choisis dans différentes régions de l’Europe : la Norvège, l’Espagne et la République tchèque). Tous les graphiques montrés ci-dessous ont été produits par le consultant de l’OCDE.

Dans le domaine administratif et pour un célibataire le résultat est montré dans la Fig. 3. On voit que, sauf pour les jobs-type tout à fait à gauche, les niveaux en Suisse sont quelque 30% supérieurs à ceux au CERN (si on tient compte de la famille, les écarts sont même plus grands).
 
Fig. 3 : Salaires offerts pour les activités administratives par les entreprises dans les pays les plus compétitifs normalisés sur les salaires CERN (ligne 100).
En clair : le pays le plus compétitif.

Pour le domaine technique et pour un célibataire le résultat est montré dans la Fig. 4. On voit que, sauf pour le job-type tout à fait à gauche, les niveaux en Suisse sont entre 20% et 40% supérieurs à ceux au CERN (si on tient compte de la famille, les écarts sont même plus grands).
 
Fig. 4 : Salaires offerts pour les activités techniques par les entreprises dans les pays les plus compétitifs normalisés sur les salaires CERN (ligne 100).
En clair : le pays le plus compétitif.

Finalement, pour les activités d’encadrement et de gestion (chef de groupe, de projet, de département et directeur) les conditions offertes par les entreprises dans le pays qui offre les meilleures conditions (trois fois la Suisse, une fois l’Espagne et le Royaume-Uni !), sont nettement supérieures (de 30% à 100%) à celles offertes au CERN (Fig. 5).
 

 

Fig. 5 : Salaires offerts pour les activités de gestion par les entreprises dans les pays les plus compétitifs normalisés sur les salaires CERN (ligne 100).
En clair : le pays le plus compétitif.

Un rattrapage trop longtemps repoussé

La comparaison montre pour les job-type considérés, le CERN offre un salaire comparable dans certain cas mais le plus souvent nettement en-dessous de celui offert par les employeurs les plus compétitifs dans le secteur privé. L’effet est déjà significatif pour un célibataire, mais croît encore pour le cas d’une famille avec deux enfants.

D’après la procédure de l’examen quinquennal, ces résultats doivent maintenant servir de guide au Directeur général pour faire des propositions, et au Conseil du CERN en décembre 2010 pour décider comment adapter les conditions financières et sociales des titulaires. Toutefois, plus le Conseil s’écarte des références du guide, plus ces écarts doivent être justifiés.

Rappelons ce qui c’est passé lors des examens quinquennaux précédents.
 
  • 5YR 1995 : par rapport aux organisations internationales des écarts en défaveur du CERN de 29% (UE), 26% (OC) et 8,6% (UN) et des mouvements réels nets dans les fonctions publiques nationaux ont été constatés. Pas d’augmentation de la grille.
  • 5YR 2000 : uniquement une comparaison des mouvements depuis 1995 a été faite. Les différences en défaveur du CERN se sont encore creusées, de 6,5% avec l’Allemagne et de 5,6% avec les OI. La grille des salaires a été majorée de 4,32 %. En tenant compte d’une augmentation des contributions à la Caisse de pensions, cela correspondait en fait à une augmentation nette des salaires de 2,8%, permettant juste la récupération de la perte du pouvoir d’achat subi par rapport à la Suisse.
  • 5YR 2005 : lors de la comparaison, les salaires du CERN étaient entre 0 et 35% plus bas que ceux observés dans l’industrie suisse. Pas d’augmentation de la grille.
Depuis 1995, c’est-à-dire les trois précédents examens quinquennaux, rien n’a été entrepris pour diminuer les différences salariales observées entre le CERN et les organismes de comparaison. En particulier, par rapport à 2005, la situation s’est encore détériorée avec des écarts qui se sont par endroits substantiellement creusés. Cette hémorragie ne peut plus continuer. Le CERN n’est plus en mesure aujourd’hui d’attirer les meilleurs candidats et aura de plus en plus de peine à retenir et à motiver son personnel. L’excellence a un prix et l’Organisation doit prendre immédiatement des mesures pour arrêter cette dégradation en relevant la grille des salaires dès 2011 !


par STAFF ASSOCIATION