Higgs : combien de bosons ?

Combien y a-t-il de bosons de Higgs ? Plusieurs modèles théoriques prévoient l’existence de plus d’un boson de Higgs, mais aucun de ces scénarios ne peut être confirmé actuellement par les données disponibles. Que pouvons-nous attendre des données à venir et du résultat des analyses en cours ?

 

Image : Xavier Cortada (avec la participation du physicien Pete Markowitz), "In search of the Higgs boson: H -> ZZ", art digital, 2013. Veuillez noter que cette image est extraite de l'oeuvre de Xavier Cortada installée au point 5 du LHC (CMS).

D’après certaines théories, le phénomène qui a amené à postuler l’existence du boson de Higgs (appelé par les physiciens « brisure de symétrie électrofaible ») pourrait également supposer la participation d’autres particules de spin zéro (ou bosons). Quel serait le lien entre ces bosons et la particule récemment découverte ?  « Les propriétés qu’auraient les autres bosons de Higgs changent énormément selon le modèle théorique que vous envisagez, explique Gian Giudice, membre de l'unité Physique théorique au CERN. La théorie de la supersymétrie prévoit l’existence de reproductions du champ de Higgs et ces reproductions seraient associées à de nouvelles particules de spin zéro qui pourraient être neutres ou chargées. Par contre, si le boson de Higgs est une particule composite, on peut s’attendre à trouver de nouveaux états à vie brève de la matière, avec différents spins. »

Jusqu’à présent, l’analyse des données semble dépeindre un Higgs très standard. Toutefois, les informations dont nous disposons ne suffisent pas à exclure la plupart des modèles théoriques. « Beaucoup de spéculation reste possible dans ce domaine, confirme Gian Giudice. Pour nous, il est difficile d’admettre que la structure de Higgs minimale, qui paraît tout à fait incapable de résoudre nombre de questions fondamentales, puisse apporter toutes les réponses. Il existe de bonnes raisons de croire que le boson de Higgs n’est que le premier individu rencontré dans un territoire encore inexploré, mais fortement peuplé. »

La découverte du boson de Higgs a été une grande réussite qui a demandé un effort énorme à tous les scientifiques travaillant à l’analyse des données. La recherche de bosons de Higgs supplémentaires sera encore plus difficile. « En l’absence d'indications claires pointant vers l’une ou l’autre théorie, la recherche doit nécessairement explorer beaucoup de pistes différentes, explique Gian Giudice. Certaines de ces pistes ne mènent pas à des découvertes faciles. Prenez l’exemple des reproductions du champ de Higgs dans la supersymétrie. Les données expérimentales actuelles limitent le nouveau champ de Higgs à n'avoir qu'un rôle marginal dans la brisure de la symétrie électrofaible. En conséquence, la production de nouveaux bosons de Higgs est un événement relativement rare au LHC, et leur découverte requerra un volume de données plus important que celui qui a permis la découverte du boson de Higgs déjà connu. »

Dans l’océan de spéculations sur lequel nous devrons naviguer tant que nous n’aurons pas collecté plusieurs années de données supplémentaires, il en est une qui concerne l'asymétrie matière-antimatière observée dans l'Univers ; cette asymétrie est l'un des plus grands mystères de la physique. « Certains théoriciens ont fait l’hypothèse que le champ de Higgs pourrait avoir déclenché l’asymétrie matière-antimatière un dixième de milliardième de seconde après le Big Bang, explique Gian Giudice. Les informations dont nous disposons jusqu’à présent ne confirment pas ce scénario. Toutefois, si nous supposons l’existence de nouvelles particules intervenant dans le mécanisme de Higgs, il faudrait peut-être s’y intéresser à nouveau. »

par Antonella Del Rosso