Point de vue extérieur : une interview avec R. Aymar

M. Robert Aymar, qui a présidé le Comité d'examen externe, s'adresse au Bulletin.

M. Robert Aymar

« Approfondies » et « ouvertes » ; ces termes sont souvent revenus dans la bouche de M. Robert Aymar, lorsqu'il s'est entretenu la semaine dernière avec les responsables du Bulletin, pour qualifier les études réalisées par le Comité d'examen externe (ERC). M. Aymar, Directeur du Réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), a présidé l'ERC, créé en décembre 2001 pour faire face à l'augmentation du co t du LHC jusqu'à son achèvement. Le rapport final de ce comité a été présenté au Conseil du CERN à sa session de juin.
L'ERC avait pour mission de procéder à une analyse complète de l'accélérateur LHC, de ses zones d'expérimentation et de la part revenant au CERN dans la construction des détecteurs, ainsi que des activités de l'Organisation hors LHC. « Nous avons mené nos études aussi loin que possible », déclare M. Aymar, évoquant les cinq mois dont disposait l'ERC pour accomplir sa tâche. Durant cette période, le Comité s'est réuni six fois en sessions plénières de deux à trois jours chacune. En outre, le Comité comportait des sous-groupes qui ont rencontré différents membres du personnel à tous les niveaux hiérarchiques du CERN, du Directoire aux simples titulaires en passant par les chefs de division.
« L'interaction avec le personnel a été utile et profonde », précise M. Aymar. « Nous avons rencontré des représentants de l'Association du personnel, ainsi que tous les membres du personnel qui avaient un message à nous adresser. Les échanges ont été particulièrement ouverts. » Il a trouvé que le Comité avait été « bien accueilli » et souligne que ce dernier a beaucoup appris en étant à l'écoute de ceux qui ont pris contact avec lui, tant officieusement qu'officiellement.
M. Aymar indique que l'ERC a découvert deux causes principales à la crise, dont la première est le manque de vigilance à l'égard des co ts. « Jusqu'à récemment, le personnel n'avait pas réellement conscience des co ts. Il veillait à ce que la physique et la technologie soient aussi parfaites que possible. » Mais M. Aymar nous explique que cette situa-tion doit changer si l'on veut maîtriser les co ts. Pour y parvenir, l'ERC a recommandé de nouvelles procédures qui sont déjà appliquées couramment dans d'autres branches de la recherche. « C'est le cas ailleurs depuis dix ou vingt ans, » déclare-t-il, « mais c'est la première fois pour le CERN ». Il reconnaît qu'un « changement de culture » sera nécessaire, et que cela prendra du temps.
La deuxième cause identifiée par l'ERC est que la priorité nécessaire n'a pas été accordée au LHC depuis 1996. « Le LEP progressait favorablement et de manière très intéressante », précise M. Aymar, tout comme les travaux avec ISOLDE, les antiprotons et d'autres programmes. Cependant, le LHC est maintenant devenu la priorité absolue et, d'après M. Aymar, le transfert de personnel à cette machine est l'une des mesures importantes à prendre.
Il est catégorique sur ce qu'il reste à faire maintenant. « La crise ne s'est pas terminée l'année dernière. Il y aura des restrictions, des changements... le personnel devra exécuter des tâches dont il n'a pas l'habitude. Il faut donner de l'argent au LHC ». Il souligne cependant que lors des discussions entre l'ERC et le personnel, celui-ci a réagi positivement aux propositions du Comité. Il se rend compte qu'il est crucial de préserver la motivation, en équilibrant l'austérité actuelle et l'optimisme vis-à-vis de l'avenir. « L'avenir est vraiment prometteur », déclare-t-il. « Nous devons voir au-delà des difficultés actuelles et considérer notre objectif futur. Pour moi, l'important est toujours d'envisager l'avenir à plus long terme - dans cinq ou six ans, lorsque le LHC, cet outil important pour la physique des particules, sera un succès ».