Le prix Nobel se focalise sur l'optique

La semaine dernière, l'Académie royale suédoise des sciences a annoncé les lauréats du prix Nobel 2005 de physique, que se partageront trois physiciens dans le domaine de l'optique.


La technologie du peigne de fréquence de Theodor Hänsch et John Hall joue un rôle prépondérant dans l'expérience ASACUSA du CERN.

Le prix récompense cette année des progrès accomplis dans la compréhension de la lumière, ainsi que les possibilités qu'offre aujourd'hui la spectroscopie de précision basée sur le laser, une technique qui compte de nombreuses applications actuelles et potentielles en physique des particules. Deux des trois lauréats du prix de cette année sont d'ailleurs liés au CERN.

Roy Glauber, de l'université Harvard, a effectué de fréquentes visites au CERN dans la Division de théorie entre 1967 et le milieu des années 80. Une moitié du prix 2005 lui revient en reconnaissance de ses travaux dans le domaine de l'optique quantique qui ont fourni en 1963 la base théorique du développement de ce qui était alors un nouveau domaine de recherche.

Roy Glauber a appliqué la théorie quantique à l'interprétation des phénomènes lumineux. Il a montré que certains types de lumières, y compris celle du laser, pouvaient être pleinement compris en utilisant les méthodes quantiques qui traitent également la lumière comme des paquets corpusculaires d'énergie plutôt qu'exclusivement comme des ondes continues. Ses théories ont expliqué en particulier la différence entre des sources incandescentes de lumière, comme les lampes électriques, avec leurs mélanges aléatoires de fréquences, et les lasers, qui produisent une lumière cohérente plus ordonnée.

Non seulement l'actuel titulaire de la chaire Mallinckrodt de physique de l'université Harvard est-il un pionnier de l'optique quantique, mais il est également bien connu pour son « modèle de Glauber ». Ce modèle est largement utilisé dans l'étude des interactions des ions lourds à haute énergie, un champ de recherche important pour le CERN au cours des 20 dernières années. Basé sur les profils de densité nucléaires, ce modèle fournit une description géométrique détaillée des collisions noyau-noyau, ce qui permet aux expérimentateurs de caractériser les collisions d'après certaines des quantités mesurées.

Roy Glauber continue de jouer un rôle dans la recherche et il a participé en août, à Budapest, à la conférence Quark Matter 2005 où il a donné la conférence d'ouverture.


Roy Glauber après l'annonce de son Prix Nobel (Copyright Harvard University).

La spectroscopie de précision

Theodor Hänsch, de l'université Ludwig-Maximillian de Munich et aussi membre de la collaboration ATRAP au CERN, et John Hall, de l'université du Colorado (Etats-Unis), se partagent l'autre moitié du prix Nobel de cette année.

En développant la technique de mesure dite du peigne de fréquence optique, Theodor Hänsch et John Hall ont récemment rendu possible la mesure de la fréquence de la lumière avec une précision de 15 décimales.

Le « peigne » exploite les interférences entre des lasers de fréquences différentes qui produisent de fines impulsions femtoseconde de lumière à des intervalles réguliers et extrêmement précis. Cette technique permet de déterminer avec exactitude n'importe quelle fréquence. Theodor Hänsch et John Hall ont affiné cette technique pour produire un instrument simple, disponible dans le commerce.

Leurs travaux ont fait avancer l'art de la mesure de précision et ils auront des utilisations variées dont certaines sont encore insoupçonnées. Ils ont des applications potentielles pour offrir une meilleure précision aux systèmes de navigation par satellite, déterminer les constantes universelles avec plus d'exactitude, et peut-être même un jour rendre plus précises les trajectoires des engins spatiaux.

Au CERN, les techniques élaborées par Theodor Hänsch et John Hall sont utilisées pour mesurer la relation matière-antimatière. Theodor Hänsch appartient actuellement à la collaboration ATRAP qui étudie au CERN les propriétés de l'antihydrogène.

La technologie du peigne de fréquence, récompensée par le prix Nobel, est également utilisée dans l'expérience ASACUSA qui étudie les atomes d'hélium antiprotonique. Ces derniers sont des systèmes à trois corps comprenant un antiproton et un électron en orbite autour d'un noyau d'hélium. Les expérimentateurs utilisent le peigne pour mesurer les fréquences de transition optiques de cet atome avec une précision sans précédent. Ils peuvent dès lors déterminer la masse et la charge de l'antiproton à quelques milliardièmes près, puis comparer ces résultats avec les valeurs connues pour le proton. Toute différence entre les masses, aussi petite serait-elle, indiquerait une violation de la symétrie matière-antimatière dans la nature.

Roy Gläuber, John Hall et Theodor Hänsch se partageront une somme légè rement supérieure à 1 million d'euros et recevront chacun une médaille et un diplôme personnels à la cérémonie officielle du Nobel qui se tiendra à Stockholm en décembre.


Theodor Hänsch trinque avec des jeunes scientifiques de son université (LMU/MPQ).