Trois missions pour les physiciens au service de la santé
Le premier atelier sur le thème de La physique au service de la santé a été organisé au CERN, en février 2010. Il a brillamment démontré le très grand potentiel des accélérateurs et détecteurs de particules comme instruments pouvant servir au diagnostic précoce et au traitement efficace de tumeurs. Les participants avaient alors émis le souhait que le CERN prenne part à trois projets novateurs. Un an plus tard, l’heure est venue de faire le point sur ces missions et de préparer une nouvelle conférence, qui se déroulera à Genève, en février 2012.
Trois thèmes très précis ont fait l’objet de discussions lors du premier atelier intitulé « La physique au service de la santé » : une nouvelle installation de recherche à des fins biomédicales, le lancement d’une nouvelle étude sur un accélérateur compact à prix raisonnable pour l’hadronthérapie et la création d’un service d’approvisionnement réparti pour la production de radioisotopes innovants. « Le CERN a une grande expérience dans tous ces domaines et il est perçu comme un terrain « neutre » par tous les intéressés », explique Steve Myers, directeur des accélérateurs au CERN et membre du Comité organisateur de l’atelier. Notre rôle n’est pas de construire de futures machines pour des applications médicales, mais de coordonner et de susciter des études de faisabilité pour des travaux futurs. Nous voulons être un centre servant de catalyseur et de coordinateur pour des collaborations et nous espérons que des institutions, comme l’UE, nous apporteront leur soutien pour ces nouveaux projets. »
Certaines des installations existantes du CERN pourraient en effet être en partie adaptées pour être utilisées à des fins médicales. « Nous étudions la possibilité d’utiliser le LEIR dans la mesure où cette machine peut facilement être transformée en une installation fournissant une gamme d’ions et d’énergies pour la radiobiologie et pour le développement de détecteurs, et qu’elle n’est utilisée pour le LHC qu’une partie de l’année seulement, explique Manjit Dosanjh, responsable des projets liés aux sciences de la vie au CERN au sein du groupe Transfert de technologies. Même si les particules, en particulier les protons et les ions carbone, sont utilisées avec succès dans le traitement du cancer depuis de nombreuses années, le monde médical manque encore d'études systématiques sur les effets biologiques qu’ont différents types de particules à différentes énergies sur les cellules et la matière vivante. Nous manquons également d’informations sur le rôle supplémentaire des médicaments et de l’oxygène associés aux particules, lequel pourrait améliorer l’efficacité du traitement. Avec le nouveau canal d'éjection lente et la ligne de faisceau du LEIR, nous pourrions mettre sur pied des expériences spécifiques dans des délais relativement courts. Nous allons essayer de lancer les premières d’entre elles d’ici à la fin de cette année. » Dans un premier temps, seuls quelques types d'ions seront fournis par le LEIR pour des expériences de radiobiologie, mais, à plus long terme, et pour autant que les communautés soient intéressées et fournissent un appui, le CERN pourrait aussi envisager de construire une partie avant de l’accélérateur plus polyvalente et de produire une plus grande variété de faisceaux.
En plus d'étudier de nouveaux projectiles possibles pour cibler les cellules cancéreuses, la communauté scientifique doit s’atteler à réduire le coût des machines qui accélèrent ces projectiles. La deuxième mission assignée au CERN à l'issue du premier atelier La physique au service de la santé concernait le lancement et la coordination d’une étude sur la conception du futur accélérateur destiné à l’hadronthérapie. « Cette nouvelle étude, qui s’intitulera PIMMS2, fera suite à l’étude PIMMS (Proton Ion Medical Machine Study) menée par le CERN entre 1995 et 1999, explique Daniel Brandt, responsable du projet. Elle portera sur la conception d'un complexe d'accélérateurs (accélérateur, lignes de transfert et portiques), qui devra être compact, utiliser une technologie fiable et satisfaire aux critères médicaux les plus récents. Le coût total de construction devra également être relativement bas. » La première phase du projet a déjà commencé et un appel à propositions a récemment été adressé à la communauté scientifique. « Nous commençons déjà à recevoir des réactions à ce sujet. Le groupe de spécialistes européens que nous sommes en train de mettre sur pied prendra une décision quant au type de la future machine d’ici à février 2012, à temps pour présenter nos résultats lors de la prochaine conférence sur La physique au service de la santé », ajoute Daniel Brandt. L'étape suivante sera la conception effective de la nouvelle installation en vue de présenter le rapport préliminaire de conception (CDR) fin 2013.
Les radioisotopes jouent un rôle de plus en plus important, non seulement pour le diagnostic du cancer, mais aussi pour les traitements. De nombreux projets de recherche sont menés sur le sujet par des entreprises, hôpitaux ou centres de recherche. Dewi Lewis, spécialiste renommé des isotopes, coordonnera la troisième mission définie lors de l'atelier, à savoir la création d’un réseau européen d’instituts et d’entreprises jouant un rôle dans la recherche sur les radioisotopes. « Notre objectif est de définir un programme de recherche commun, qui pourrait être mené de manière coordonnée afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles en matière de production de radioisotopes innovants », explique Steve Myers.
Le premier atelier sur La physique au service de la santé a ouvert une nouvelle ère de collaboration entre physiciens et médecins, qui a jeté les base pour une meilleure compréhension mutuelle et des efforts communs au bénéfice de la santé. La conférence ICTR-PHE 2012, qui se tiendra à Genève, du 27 février au 2 mars 2012, succèdera à l’atelier. Elle est née de la fusion entre la conférence médicale ICTR (qui avait pour objectif de tenir les radio-oncologues informés des toutes dernières avancées de la recherche translationnelle) et l’atelier « La physique au service de la santé » en Europe. « Le but de ce regroupement est de stimuler des échanges et des interactions entre spécialistes de diverses disciplines, de la biologie à la physique, en passant par la clinique. Ces nouvelles synergies serviront de fil conducteur pendant les cinq journées de la conférence ICTR-PHE 2012 », conclut Manjit Dosanjh, co-présidente de la conférence. Une interview du professeur Jacques Bernier, deuxième co-président, paraîtra ultérieurement dans le Bulletin afin de donner la parole au corps médical. « La médecine est de plus en plus dépendante des tout derniers développements technologiques. Il est donc temps que les deux communautés qui sont à la pointe de ces deux disciplines se rassemblent et collaborent à des projets communs », fait-il remarquer.
La date limite de présentation des résumés pour participer à la conférence ICTR-PHE 2012 est fixée au 3 octobre 2011. Pour plus d’informations, consulter le site web de la conférence.
par CERN Bulletin