Plongée au cœur des matériaux

À la mi-septembre, la plateforme HiRadMat s’est munie d’un nouveau système de tests conçu par les équipes du CERN. Ce banc d’essai devrait permettre de comprendre le comportement de la matière lorsqu’elle est impactée par des faisceaux de protons à haute énergie et intensité.

 

Aperçu du côté où seront enregistrées les images de la projection de fragments d'échantillons lors de l'impact du faisceau.

HiRadMat, de l’anglais High Irradiation to Materials, permet de tester la résistance aux faisceaux hautes intensités, des matériaux ou composants destinés aux accélérateurs de particules. Dans le cadre du programme européen EUCARD finançant, entre autres, un projet de développement de nouveaux matériaux pour protéger le LHC des pertes de faisceau, le groupe Mécanique et génie des matériaux (MME) du CERN, avec le support de plusieurs équipes des départements EN, BE, TE et PH, a mis en place une machine capable de tester six matériaux différents en une seule expérience. En tout, 12 rangées de maximum 10 échantillons de 40 mm de diamètres vont être soumis à des séries de paquets de protons de hautes intensités.

« Avec l’augmentation de la puissance des accélérateurs, les thèmes de recherche sur le comportement des matériaux dans des conditions de températures et de pressions extrêmes deviennent de plus en plus urgents, précise Alessandro Bertarelli coordinateur de l’expérience et chef de la section PE du Bureau d’études mécaniques au sein du département EN (Ingénierie). Notre expérience est la première à mesurer et capturer simultanément et en temps réel les ondes de choc, le déplacement de la surface induit par l’impact du faisceau et des images de la projection de fragments d’échantillons enregistrées lors de l’impact. » Ces essais devraient permettre de valider les modèles de simulation et de comprendre quels sont les mécanismes à l’origine des différents comportements de la matière dans ces conditions extrêmes.

Une partie de l'équipe travaillant sur le nouveau dispositf d'HiRadMat.

Pas moins de 244 jauges d’extensométrie, 36 jauges de température, un vibromètre laser à effet Doppler seront connectés à un système d’acquisition rapide de 4 MHz -  quatre millions de points de mesure par seconde - se déclenchant au passage du faisceau. De plus une caméra à haute vitesse enregistrant une image toutes les 50 µs sera embarquée. Un an de développement a été nécessaire pour préparer un système d’acquisition avec de telles performances.

Avant d’insérer ce système complexe dans le tunnel de HiRadMat mi-septembre, chaque composant a été testé et vérifié individuellement. N’ayant aucun antécédant connu à ces vitesses et niveaux de contraintes, de nombreux tests ont été réalisés pour valider la mesure des jauges d’extensomètrie.

Les premiers tests sont programmés pour la première semaine d’octobre. Une fois le banc d’essai positionné dans le tunnel, des faisceaux SPS de 440 GeV et d’intensité variant entre 1010 et 1013 particules vont venir percuter les échantillons. Les données enregistrées en temps réel donneront des informations avec une précision de quelques pourcents (moins de 10%). Le traitement des données avec l’intégration des corrections permettra de reconstruire le signal et parvenir à de meilleurs résultats. Ensuite, des essais complémentaires seront réalisés sur les échantillons afin de mesurer leurs propriétés mécaniques après irradiation. Mais il faudra attendre au moins un mois, pour que le taux de radiation diminue dans le dispositif expérimental et que les échantillons soient manipulés. Les matériaux n’ont pas encore dévoilé tous leurs secrets. Affaire à suivre…

Flash Vintage pour une résistance assurée

Le banc d’essai élaboré par l’équipe MME a dû faire face à de nombreux problèmes techniques. Parmi ceux-ci, les radiations auxquelles tous les composants du dispositif expérimental devaient résister. La caméra haute vitesse et le vibromètre lase, étant sensibles à ce phénomène, ont dû être positionnés dans un bunker à 40 m de l’expérience. Un jeu de miroirs et de flashs permet d’acheminer les images jusqu’à l’objectif. Pour la caméra rapide, des flashs assurant une grande luminosité ont dû être installés au-dessus de la zone d’impact. Qui dit proche de l’impact, dit proche des radiations ! Or, les flashs actuels composés de semi-conducteurs ne résistent pas à un tel environnement. Les ingénieurs du groupe ont dû acheter et adapter des flashs des années 70-80 pour remédier à ce problème. Le CERN ne déroge pas à la mode : le vintage est définitivement in !

 

par Caroline Duc