Quelques mètres aux grands enjeux
Un faisceau d’ions hydrogène négatifs a été injecté dans le premier module accélérateur du Linac4, l’accélérateur linéaire qui remplacera le Linac2.
Le mercredi 13 mars était un grand jour pour les équipes du Linac4. Installé sur un site provisoire dans un ancien hall du PS, le premier maillon de la chaîne accélératrice du Linac4, le module quadripôle à radiofréquence (RFQ), a accéléré son premier faisceau issu de la nouvelle source construite pour le Linac4. Cette étape cruciale a été réalisée avec succès !
« Long de trois mètres, le RFQ se trouve au début du parcours du faisceau, immédiatement après la source d’ions et la ligne de transport à basse énergie, explique Maurizio Vretenar, chef du projet Linac4. Il est chargé de porter le faisceau de 45 keV à 3 MeV. Cette première section mesure seulement cinq mètres dans son intégralité et pose pourtant un maximum de difficultés ! À ces niveaux faibles d’énergie, nous devons faire face à deux types de problèmes. Premièrement, en cinq mètres, le faisceau doit passer d’une vitesse nulle à 24 000 km/s, soit 8% de la vitesse de la lumière ! De plus, à de telles énergies, il est plus compliqué de focaliser le faisceau à cause de la répulsion coulombienne. Ce phénomène de répulsion qui diminue avec l’augmentation d’énergie a tendance à éclater le faisceau composé de particules de même signe, ici des ions hydrogène. »
La réussite de ces premiers essais est le résultat d’un long travail commencé en 2008. Au-delà de la construction du RFQ, entièrement réalisée en interne, les équipes du CERN ont dû fabriquer une nouvelle source qui, à terme, sera capable de fournir les faisceaux d’ions hydrogène (un proton lié à deux électrons) nécessaires pour améliorer l’injection dans le booster et qui, couplée à l’augmentation d’énergie d’injection à 160 MeV, permettra d’augmenter l’intensité des faisceaux pour le LHC. « La conception de la source s’est avérée plus complexe que prévu, mais les équipes en charge du projet et de sa réalisation technique ont su être réactives pour nous permettre de réaliser les tests sur le RFQ dans les temps, ajoute Maurizio Vretenar. Les essais du mercredi 13 mars sont extrêmement prometteurs. Dès le premier faisceau, nous recevions déjà 10 mA à la sortie du module accélérateur RFQ. Et ceci, sans réglage ni focalisation en sortie. Une belle démonstration du potentiel de notre machine ! »
Le 31 mai marquera la fin des premiers tests sur le Linac4. Ensuite, l’eau de refroidissement sera coupée et les modules démontés pour être déménagés dans le tunnel du Linac4. En septembre 2013, l’accélérateur linéaire sera remis en route pour poursuivre ces tests. Les essais à des niveaux d’énergie de plus en plus élevés débuteront en 2014, jusqu’à atteindre 160 MeV en 2015. S’ensuivra un an de fonctionnement sans arrêt afin de tester la fiabilité du système. « Le Linac4 va fonctionner en continu pendant des années, il doit donc être solide et robuste, précise Maurizio Vretenar. Mais, au-delà des enjeux techniques, ma plus grande satisfaction réside dans le vrai travail d’équipe mis en œuvre. C’est incroyable la quantité de compétences réunies autour de ces cinq premiers mètres d’accélération. Spécialistes en radiofréquence, mécanique, dynamique et diagnostic des faisceaux, ultravide, en électronique de contrôle et de puissance, en aimants et autres, réussissent à travailler brillament ensemble pour parvenir à la réalisation de ce tout nouvel accélérateur. »
Pour aller plus loin, lisez les précédents articles sur le Linac4 : Les tests commencent pour le Linac4, Colis de Sibérie, 16 fils d’argent pour assembler 350 kg de cuivre.
par Caroline Duc