Une conception polyvalente

CHARM (CERN High energy AcceleRator Mixed field) est une nouvelle installation d’essai, unique en son genre, qui vient compléter les installations d’essais de radiorésistance du CERN. Située dans la zone Est, CHARM offre aux équipes un lieu où tester leurs équipements dans des environnements présentant des niveaux de rayonnements similaires à ceux de la chaîne d'accélérateurs.

 

Une équipe au travail dans la zone d’irradiation de CHARM.

Envisagée pour la première fois en 2007, l’installation CHARM répond à une demande croissante concernant une installation d’essais de radiorésistance sur mesure et à grande échelle. Contrairement aux installations commerciales, CHARM offre des environnements à champs de rayonnements mixtes. Cela signifie qu’elle peut produire un large éventail de types de rayonnements et d’énergies. Elle dispose aussi de suffisamment d’espace pour tester des équipements de grande taille, et offre même la possibilité d’ajuster les environnements au moyen de murs de blindage mobiles. « CHARM est polyvalent dans sa conception, ce qui nous permet de recréer tous les environnement de rayonnements qui se trouvent dans la chaîne d'accélérateurs, explique Markus Brugger, chef du projet R2E (Radiation to Electronics), dans le cadre duquel a été développée l’installation CHARM. Nous produisons nos rayonnements de la même façon qu’ils se produisent dans le complexe d’accélérateurs, c’est-à-dire que nous faisons entrer un faisceau en collision avec une cible fixe (en cuivre, en aluminium, ou encore, un tamis en aluminium, selon l'intensité requise). À CHARM, il est aussi possible de tester des équipements de deux mètres cubes et pesant une tonne, y compris leur équipement de surveillance de haute précision. »

CHARM est situé dans la zone Est, juste en aval de l’installation IRRAD du département de Physique, où ont lieu des essais à forte intensité de radiorésistance sur des dispositifs expérimentaux plus petits. Grâce à l’installation CHARM, les équipements des expériences et ceux des accélérateurs seront testés dans une zone unique. « Nous utiliserons les mêmes faisceaux que l’installation IRRAD située en amont, vu que dans la plupart des cas les faisceaux passent à travers les éléments testés, continue Markus Brugger. CHARM exploitera ces faisceaux, qui sinon auraient été jetés. »

« Le LS1 était l’occasion idéale de construire l’installation CHARM, explique Julien Mekki, qui dirige l’équipe de CHARM. Malgré  l’importante charge de travail liée au LS1, les équipes du CERN ont non seulement réussi à déplacer l’expérience DIRAC, mais ont eu le temps aussi de construire une toute nouvelle installation. » Bien que CHARM réutilise un site déjà existant, sa construction a été une entreprise d’envergure : pas moins de  2 000 tonnes de fer et 4 000 tonnes de ciment pour le blindage, et une nouvelle salle de contrôle, qui servira aussi d'installation supplémentaire pour des tests sans faisceau. Cela fait partie des rénovations de la zone Est, conduites par Lau Gatignon, chef de projet, et Michael Lazzaroni, coordinateur des activités techniques. Ensemble, ils ont déjà résolu de nombreuses questions techniques, et coordonné toutes les activités de rénovation, jusqu'à leur aboutissement.

La ligne de faisceau de CHARM (avec son blindage) et les salles de contrôle/salles techniques (à droite).

En attendant que la délicate construction soit achevée, l’équipe du CHARM s’entraîne sur une maquette à l’échelle, avec laquelle ils s’exercent à mettre en service tous les équipements qui seront disponibles à CHARM.

Afin de réduire l’exposition aux rayonnements, les équipements testés doivent être installés dans la zone irradiée de CHARM sans intervention humaine. Cela pose aux ingénieurs un problème digne du Mystère de la chambre jaune : comment un élément pesant une tonne, avec un câblage complexe, peut-il être inséré dans une zone irradiée, sans intervention humaine ? « Nous avons réussi à développer un dispositif qui nous a permis d’accomplir cet exploit, grâce à l’aide de plusieurs groupes du CERN et d’entreprises extérieures, révèle Julien Mekki. Nous inspirant de l’expérience du groupe Ingénierie de la manutention du CERN, nous avons prévu d’utiliser un véhicule de transport et de levage semi-téléguidé, construit sur mesure, pour acheminer les équipements lourds dans des couloirs étroits, jusque dans la zone irradiée. Les câbles seront fixés à un rail fixé au plafond. Les câbles passeront dans un faux plancher, permettant la connexion de l’équipement au système de contrôle et d'acquisition de l’utilisateur. »

CHARM effectuera ses premiers tests avec faisceaux en septembre.  « C’est  grâce aux efforts extraordinaires de nombreux groupes du CERN chargés de services ou d’équipements qui ont réussi, durant cette période critique du LS1, à soutenir efficacement ce projet vital, souvent en inventant des solutions techniques innovantes. Nous les remercions infiniment, s'exclame Markus Brugger. À présent, notre priorité est de tester les unités de contrôle des nouveaux principaux convertisseurs de puissance du LHC, qui seront installés l’année prochaine. Nous nous attaquerons ensuite aux autres équipements à tester, dont la liste n’arrête pas de s’allonger. »

Un simulateur très précis  

Les différentes zones du complexe d’accélérateurs produisent différents types de rayonnements et de dommages. Dans les premières phases du LHC, les particules isolées était le principal souci : des défaillances causées par une seule interaction qui, dans certains cas, peut causer la destruction des appareils électroniques. Ce genre de dommages varie selon l’emplacement dans le tunnel LHC, qui présente deux types majeurs d'environnements sous rayonnements : l’un dans le tunnel lui-même, avec des particules à très hautes énergies, et l’autre dans les zones blindées adjacentes, où le spectre d’énergies est dominé par les neutrons. Avec ses murs de blindage mobiles, CHARM peut simuler tous ces environnements avec beaucoup de précision.

Cependant, dans la chaîne d’injecteurs du LHC, les problèmes liés aux dommages cumulés affectant la durée de vie des équipements sont devenus plus importants que les défaillances causées par les particules isolées. Une machine cryogénique comme le LHC a, en moyenne, un niveau de rayonnements plus bas que les accélérateurs traditionnels comme ceux de  la chaîne d'injecteurs. Ainsi, à cause des niveaux de rayonnements généralement plus élevés dans la chaîne d’injecteurs, les équipements exposés subissent des contraintes plus sévères causées par des dommages plus importants à long terme. Le spectre de rayonnements de CHARM peut être ajusté pour mieux refléter cet environnement plus intense.

 

par Katarina Anthony