Mots des Présidents

Dans le cadre du soixantième anniversaire de l’Association du personnel, nous avons demandé à d’anciens présidents de nous écrire comment ils ont vécu leurs années de présidence. Nous continuons dans ce numéro d’Écho avec la contribution de Franco Francia.

Franco Francia

Pendant mon mandat de président de l’Association du personnel (janvier 1978 – juin 1980) le dossier phare était la Révision des Conditions Sociales et Economiques (RESCO). Ce fût la première grande révision des Statut et Règlement du personnel du CERN.

L’échelle des salaires de l’époque, avant la révision, avait une forme à tendance parabolique. Pour une Organisation comme le CERN, qui comptait déjà un tiers de personnel de niveau universitaire, cette proportion laissait entrevoir une croissance trop importante de la masse salariale totale par rapport aux investissements et à l’entretien des installations du CERN. Nous avons donc redressé la courbe en arrêtant l’avancement automatique des grades de 12 à 14 pendant trois ans. Cette mesure, bien que restrictive pour le personnel supérieur, rendait le budget du CERN plus acceptable à long terme pour les États membres. C’était une mesure qui allait à l’encontre de l’intérêt d’une catégorie du personnel, mais qui, dans notre analyse, protégeait l’existence de l’Organisation, donc l’intérêt de tous.

La Direction du CERN et la grande majorité des physiciens étaient d’accord. Cependant, les ingénieurs et quelques physiciens, croyant que nous étions des égalitaristes forcenés, se sont révoltés et ont créé une association parallèle sensée défendre les hauts grades. L’association parallèle fut finalement dissoute au moment ou les initiateurs de la révolte furent élus au Comité de l’Association du personnel. Certains des initiateurs, dès qu’ils eurent pris une position de pouvoir dans l’Association du personnel, l’utilisèrent pour satisfaire leurs frustrations, parfois mettant en danger l’Organisation.

À posteriori je peux dire que nous avions agi correctement mais que notre action n’avait pas été suffisamment expliquée et discutée avec toutes les catégories de personnel.

Pour que de telles aventures douloureuses ne se reproduisent plus, il est indispensable que tout le personnel soit conscient que les mécanismes décisionnels pour le financement du CERN sont très bien étudiés mais fragiles et dépendent beaucoup de la volonté politique de chaque État Membre.

Les principes que j’ai toujours suivis, pendant et après mon mandat, ont été les suivants :

  1. Faire comprendre le rôle du CERN à son personnel et aux populations environnantes.
  2. Garantir des traitements attrayants et des conditions de travail professionnellement intéressantes. Cela permet de promouvoir la motivation à la tâche et développe l’attachement à l’Organisation.

Pour garantir une longue vie au CERN les conditions suivantes devraient être satisfaites :

  1. Le CERN, ses employés et les États Membres doivent défendre l’Europe et continuer à la défendre. Le démantèlement de l’Europe actuel serait fatal au CERN (c’est banal mais certains ne s’en rendent pas compte).
  2. Un nouvel accélérateur, après le LHC, s’il était construit, devrait l’être dans la région. Sa conception, devrait être telle que les physiciens de tous les pays puissent y prendre part (la « grille » pourra rendre de grands services).
  3. La politique actuelle du CERN est bonne. Son évolution vers une Organisation mondiale est souhaitable. L’équilibre entre l’activité de recherche fondamentale et une bonne souplesse concernant la facilitation du transfert des connaissances vers l’industrie est nécessaire.
  4. L’Association du personnel devrait faciliter l’esprit collectif des jeunes employés actuels par toutes sortes d’initiatives. Actuellement la propagation de l’esprit individualiste et opportuniste répandus dans le monde entier détériore également les rapports entre collègues de travail partout.
  5. Il faut lutter par tous les moyens contre le racisme et l’intolérance.

Sur le plan interne, chaque fois qu’un gros problème se manifeste, l’Association du personnel devrait, quand c’est possible, se concerter avec la Direction de façon à ne pas affaiblir l’action commune.

Pour finir, je suis persuadé que l’Association du personnel saura trouver les bonnes réponses à toutes les questions à condition de faire passer l’intérêt général des employés et de l’Organisation avant l’intérêt individuel et l’opportunisme.

Les numéros de Gravitons proposés ci-dessous contiennent des analyses et des suggestions encore utiles aujourd’hui.

  • N° 9 – Évolution de la recherche (Ugo Amaldi)
  • N° 10 – État de la recherche sur la gravitation (M. Jacob). Arrangement CERN – Commission européenne (O. Barbalat)
  • N° 14 – 10 fois moins de radiations (G. Charpak )
  • N° 15 – Entrevue avec J. Lefrançois (Chairman of Scientific Policy Committee)
  • N° 16 – Politique scientifique du CERN (A. de Rujula and L. Foà)
  • N° 20 – Histoire du CERN de 1954 à 1998 (M. Gigliarelli and F. Francia)
  • N° 21 – Centre d’Archamp (Y. Lemoigne )
  • N° 22 – L’Opinion des jeunes (M. Goossens), Centre SESAME (H. Schopper)
  • N° 23 – Éditorial (F. Francia) ; Le projet GRID
  • N° 25 – Éditorial et tous les articles sont intéressants
  • N° 26 – CÉvolution juridique du CERN (J.M. Dufour)
  • N° 27 – Deux entrevues importantes (A. Rubio and C. Benvenuti)

par Staff Association