Mettre la science au cœur de la politique européenne

Il y a de cela un an, le nouveau président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, choquait le monde scientifique en supprimant le poste de conseiller scientifique en chef. Cette semaine, la Commission s’est rattrapée en lançant le mécanisme de consultation scientifique, un mécanisme bien pensé qui, non seulement remet la science au cœur de la politique, mais qui le fait d’une manière bien plus structurée et solide que si cette responsabilité avait été confiée à une seule personne. 

 

Le mécanisme de consultation scientifique comporte deux volets indépendants : la mise sur pied d’un groupe consultatif de sept scientifiques, et l’octroi de subventions, dans le cadre du programme Horizon 2020, afin de permettre à des académies nationales et des sociétés savantes de constituer des réseaux et de collaborer sur des questions de politique. Les deux volets sont appuyés par un secrétariat auprès du siège de la Commission européenne, à Bruxelles.

M. Juncker a supprimé la fonction de conseiller scientifique en chef dans un contexte d’attaques parfois virulentes envers Mme Anne Glover, titulaire du poste à l’époque, qui avait pris publiquement des positions favorables aux OGM. Certains ont alors considéré que M. Juncker, par cette décision, capitulait face à un puissant groupe de pression. La réalité était en fait plus subtile. Le poste de conseiller scientifique en chef faisait partie d’un organe de conseil plus large, dont les fonctions ont été réorganisées progressivement l’année dernière. La Commission Juncker a donc choisi de changer la manière dont elle reçoit des conseils sur un grand nombre de questions, pas seulement scientifiques.

À l’époque où M. Juncker est entré en fonctions, je lui ai écrit, avec mes homologues directeurs généraux membres de l’EIROforum, pour lui conseiller de conserver un mécanisme donnant des avis scientifiques indépendants et impartiaux. Dans un article publié dans le Huffington Post, j’insistais sur le fait que, quand il s’agit d’élaborer une politique, le recours aux faits scientifiques n’est pas une option, mais une nécessité. J’estimais également que la mise sur pied d’un organe du type de celui annoncé cette semaine permettrait d’avoir un mécanisme plus solide et plus structuré qu’un simple poste de conseiller. Je me félicite que la Commission partage ce point de vue, d’autant que j’ai l’honneur d’être l’un des premiers à faire partie de ce nouveau groupe de conseillers scientifiques.

La politique a besoin de la science. Aujourd’hui, la science est omniprésente dans tous les aspects de la vie moderne, et c’est vers elle que nous devons nous tourner pour faire face aux grandes questions de société et façonner notre avenir. Les enjeux liés au climat, à l’énergie, à l’alimentation et à l’eau remettent en question la manière dont nous vivons et partageons les ressources de notre planète. Ils constituent tous des défis gigantesques, que la politique seule ne permet pas de surmonter. Il faut obligatoirement faire appel à la science pour trouver à chaque fois une solution durable. Et pour que les décideurs politiques choisissent la bonne voie, ils ont besoin d’avoir des avis clairs et mûrement réfléchis sur des sujets qui provoquent souvent des réponses dictées par l’émotion, comme les OGM par exemple. Quoi que nous pensions des OGM, il faut un débat rationnel, fondé sur des faits avérés, car, indépendamment des choix politiques qui seront faits, force est de constater que nous avons déjà du mal à nourrir une population de plus en plus nombreuse, et que nos pratiques agricoles actuelles ne sont pas durables.

Lorsque M. Juncker a annoncé qu’il supprimait le rôle de conseiller scientifique en chef, il m’a semblé inconcevable que ce poste ne soit pas remplacé par un nouveau mécanisme. J’ai alors dit que j’attendais de voir comment il proposerait de maintenir la science au cœur de la politique. Un an plus tard, je dois dire que je suis satisfait, et que j’attends avec impatience de rencontrer mes homologues du nouveau groupe de conseillers scientifiques et de travailler avec eux lors de notre première réunion en janvier. 

Rolf Heuer