Dernières nouvelles du LHC : des injecteurs pleins d’imagination
Un nouveau mode d’injection des paquets du PS dans le SPS a permis au LHC d'établir un nouveau record pour la luminosité de crête.
Le LHC est alimenté par un complexe d’injecteurs qui lui fournissent des faisceaux ayant des populations de paquets et des caractéristiques transversales et longitudinales bien définies ; tous ces éléments ont en effet une incidence directe sur la performance en termes de luminosité. Plusieurs des processus agissant sur la structure du faisceau qui sont utilisés pour obtenir les caractéristiques nécessaires pour le LHC se déroulent dans le Booster du PS (PSB) et dans le Synchrotron à protons (PS). Deux processus sont principalement responsables de la luminosité du faisceau : l’injection multi-tours du PSB et les exercices radiofréquence (RF) du PS. Le nombre total de protons par paquet et les émittances transversales sont déterminés principalement par le système d’injection multi-tours du Booster, tandis que le nombre de paquets et la durée de leur espacement dépendent des exercices RF du PS. L’émittance d’un paquet est une mesure combinée de sa dimension transversale et de la divergence angulaire de ses protons. Une émittance plus faible signifie un faisceau de plus petite dimension et, dans le cas présent, une dimension de faisceau plus petite aux points d’interaction du LHC, ce qui se traduit par une luminosité plus élevée.
Dans leur fonction consistant à fournir des faisceaux au LHC, les injecteurs ont prouvé une remarquable souplesse ; le samedi 16 juillet, le LHC a ainsi utilisé un mode de production de faisceau imaginatif appelé BCMS (compression, regroupement et division des lots), lequel permet d’obtenir une dimension transversale du faisceau plus petite qu’avec le mode de production nominal. Malgré quelques gonflements dans le LHC pendant la montée en énergie, les faisceaux obtenus grâce au mode BCMS ont permis une augmentation d’environ 20 % de la luminosité de crête, qui s’est traduite par un nouveau record : 1,2 x 1034 cm-2s-1.
L’injection multi-tours
Le faisceau issu du Linac 2 est continu, et il est injecté successivement dans chacun des quatre anneaux du PSB. Pour chaque anneau, la durée de l’injection peut être supérieure au temps de révolution des protons. Le choix du nombre de tours que durera l’injection du faisceau du Linac 2 dans le PSB permet de déterminer l’intensité totale du faisceau dans chaque anneau. Les processus permettant d’injecter un faisceau continu pendant plus d’un tour reposent sur la variation de certains paramètres pendant l’injection, par exemple la position du faisceau au point d’injection ou le champ dans les aimants de courbure principaux. L’objectif est de mettre le faisceau nouvellement injecté et le faisceau en circulation dans des régions différentes de l’espace de phase transversal (voir figure 1). L’une des conséquences de ce processus est que plus le nombre de protons injectés est élevé, plus l’émittance transversale est grande.
Exercices RF et espacement des paquets dans le LHC
Pour obtenir un espacement de 25 ns, il faut parvenir à un multiple de cette valeur dans les harmoniques RF disponibles dans le PS. Le PS mesure 628 m de longueur, ce qui signifie un temps de révolution d’environ 2,1 μs pour des protons à 26 GeV. L’harmonique clé à atteindre est donc H21 ; avec celle-ci, l’espacement des paquets sera de 100 ns. Diverses harmoniques RF peuvent en effet être produites par l’impressionnante série de cavités RF du PS.
Le faisceau nominal
Jusqu’à il y a peu, le mode nominal de production des faisceaux du LHC utilisait des lots de deux cycles du PSB injectés dans un seul cycle du PS. Selon ce mode, six paquets du PSB sont ainsi injectés dans le PS, qui utilise donc l’harmonique RF 7 (H7). Le puits doit être vide pendant les temps de montée des aimants de déflexion rapide du PS et du SPS. Chacun de ces six paquets est séparé longitudinalement en trois pour parvenir à H21 (figure 2), puis les paquets obtenus sont séparés en deux, et une nouvelle fois en deux. On obtient ainsi 72 paquets espacés de 25 ns.
Le mode Compression, regroupement et division des lots
Vu ce qui a été dit plus haut à propos de l’injection multi-tours dans le PSB, on peut déduire que, pour réduire l’émittance, il faudrait que l’injection dans les anneaux du PSB prenne moins de tours. Par conséquent, au lieu de fonctionner selon l’harmonique H7, avec six paquets provenant du PSB, le PS fonctionne en H9, avec huit paquets. L’intensité totale nécessaire est ensuite répartie équitablement entre l’ensemble des huit lots disponibles dans les deux cycles du PSB. L’intensité injectée par anneau baisse donc en conséquence. Un nouveau mode a donc dû être inventé par l’équipe RF du PS afin d’obtenir les paramètres requis pour les faisceaux du LHC à partir de huit paquets au lieu de six : le mode d’injection BCMS.
Selon ce mode, on réalise d’abord une compression en faisant passer le numéro d’harmonique de H9 à H14. Ensuite, un regroupement des paquets ramène le numéro d’harmonie à sept. À partir de là, les exercices RF sont semblables à ceux réalisés avec le faisceau nominal, dans lequel les paquets sont divisés en trois (figure 3), puis en deux, et encore une fois en deux. Le nombre de paquets produits n’est pas le même qu’avec le mode habituel : huit paquets sont regroupés pour n’en former plus que quatre, lesquels sont ensuite divisés en trois, puis en deux et encore en deux. Cela donne 48 paquets espacés de 25 ns, ce qui est inférieur au nombre de paquets nominal, à savoir 72. Le PS et le SPS doivent par conséquent effectuer davantage de cycles pour remplir complètement le LHC, mais le gain dans l’émittance transversale entraîne une plus grande brillance des faisceaux.
par Pierre Freyermuth for the LHC team