La technologie du CERN au service de la médecine

Le prototype du premier module du LInac BOoster (LIBO) vient d'être construit et testé au CERN. Ce nouvel accélérateur médical offre des perspectives inédites pour le traitement des tumeurs profondes.

La technologie des accélérateurs que le CERN vient de mettre au point devrait permettre de réaliser d'importants progrès dans le traitement du cancer. Le projet LIBO a en effet pour objectif de construire un accélérateur linéaire additionnel de 3 GHz afin de porter à 200 MeV l'énergie du faisceau de protons des cyclotrons de 50-70 MeV déjà utilisés dans divers hôpitaux et laboratoires. Cette augmentation d'énergie permettra de traiter des tumeurs profondes (voir encadré).
Le prototype du premier module du LIBO vient juste de réussir les essais RF haute puissance au CERN.

Deux membres de la collaboration LIBO, Riccardo Zennaro et Paolo Berra, à côté du premier module du LIBO installé dans le tunnel du LIL.

C'est en 1993 qu'Ugo Amaldi, physicien bien connu au CERN et également père de la Fondation TERA en Italie, a imaginé et conçu le LIBO. Depuis le début, un ancien Cernois, Mario Weiss, dirige le projet. Une étape décisive a été franchie en 1998 avec la création d'une collaboration entre la Fondation TERA, le CERN, les universités de Milan et de Naples et leurs sections INFN. Avec l'aide de membres des Divisions EP, EST, ETT et PS du CERN, cette collaboration a conçu la structure en cuivre du prototype du LIBO puis l'a fabriquée dans les ateliers centraux et brasée dans le laboratoire de brasage sous vide. Les mesures RF à basse puissance ont confirmé la bonne qualité de la conception et de la construction. Elles ont montré une bonne répartition du champ à la fréquence nominale, exceptionnellement élevée pour un accélérateur linéaire à protons de basse énergie (voir diagramme ci-dessous).

Vue artistique d'un assemblage possible entre un cyclotron, un LIBO de neuf modules et une tête isocentrique qui oriente le faisceau vers n'importe quelle partie du corps humain.

Le champ obtenu affiche une bonne uniformité le long de l'axe des quatre ensembles de cavités accélératrices du module du LIBO.



Un essai de vide a été mené à bien par des spécialistes du LHC. Et dès la fermeture du LEP, en novembre dernier, le module a été installé dans le bâtiment abritant l'injecteur linéaire (LIL) du LEP, où il a été alimenté par un klystron de réserve. Le 7 décembre, les performances du module dépassaient de loin les espérances, atteignant un gradient accélérateur de 25 MV/m, bien supérieur à la valeur nominale de 15 MV/m.
La prochaine étape consistera à transférer le module du LIBO vers les laboratoires de l'INFN à Catane, où il sera couplé à un cyclotron de 60 MeV afin de procéder, l'été prochain, aux essais d'accélération du faisceau.
Dans sa conception d'origine, le LIBO compte neuf modules et sa longueur totale est d'environ 15 mètres. Compte tenu de la réussite des essais RF, on étudiera la possibilité d'exploiter le LIBO avec des champs accélérateurs plus élevés et de réduire par conséquent sa longueur. Quelle que soit l'évolution de la conception du LIBO, l'énergie de sortie du faisceau restera toujours variable.
La collaboration LIBO recherche désormais des partenaires industriels pour développer cette technologie et utiliser ce nouvel accélérateur médical dans les hôpitaux disposant déjà d'un cyclotron de 50-70 MeV.
De nouvelles perspectives pour la thérapie hadronique

L'un des principaux avantages de la technologie du LIBO est de pouvoir étendre les domaines d'application des cyclotrons à protons de 50 à 70 MeV déjà opérationnels dans bon nombre d'hôpitaux du monde. Ces cyclotrons sont principalement utilisés pour la thérapie par protons de tumeurs superficielles et pour la production de radionucléides. L'adjonction d'un accélérateur LIBO permettra d'accroître l'énergie du faisceau de protons et de l'ajuster librement entre 130 et 200 MeV. En modulant l'énergie du faisceau de protons, il sera possible d'atteindre des tissus à différentes profondeurs, jusqu'à 20 cm selon les cas traités.