CNGS : La voie vers Gran Sasso est ouverte

L'excavation et le bétonnage des structures souterraines du projet CNGS (CERN Neutrinos to Gran Sasso) viennent de s'achever. La voie vers le Gran Sasso s'ouvre donc et par la même occasion, un dossier spécial du Bulletin consacré au projet CNGS. Deux volets sont au programme.
Un premier volet, sera consacré, cette semaine, au dispositif permettant d'envoyer en 2006 un faisceau de neutrinos du CERN jusqu'au laboratoire souterrain de l'INFN à Gran Sasso en Italie. Et un second volet, la semaine prochaine, donnera une vue d'ensemble des expériences du projet : OPERA et ICARUS.


« 3,3 km de galeries, tunnels et cavernes, situés entre 55 et 122 de mètres de profondeur, ont été excavés et bétonnés en 33 mois, par une équipe d'une centaine de personnes. » Natacha Lopez, responsable du génie civil de CNGS, peut se féliciter du travail réalisé sur le chantier. « Les délais prévus par le CERN ont été tenus à une semaine près et aucun incident particulier n'est survenu. » Fin juin, le génie civil fêtait ainsi la fin de la première phase des travaux souterrains du projet CNGS.


Jean-Luc Baldy, chef du génie civil au CERN, félicite Natacha Lopez et son équipe pour la «très belle réalisation» que constituent les 3300 mètres des galeries du projet CNGS. Derrière lui : la chambre cible de 150 mètres de long.

Particules «passe-murailles»
Le projet CNGS consiste à produire au CERN en 2006 un faisceau de neutrinos de haute énergie et à l'envoyer dans la direction du laboratoire souterrain de Gran Sasso, où il sera analysé. Pour cela, des protons issus du SPS seront transportés le long d'une ligne de transfert d'environ 800 mètres avant d'entrer dans une «chambre cible» de 150 mètres de long et 6,5 mètres de diamètre. A cet endroit, les protons bombarderont une cible de graphite pour donner naissance à des pions et des kaons.
Les particules produites entreront alors dans un système de deux cornes magnétiques qui focaliseront les pions et les kaons en un faisceau parallèle dirigé vers le Gran Sasso (voir l'encadré «Les cornes magnétiques en cours d'assemblage»). Puis, le long d'un tunnel de 1000 mètres, pions et kaons se désintègreront en muons et neutrinos du muon. A la sortie du tunnel, un «hadron stop» absorbera les hadrons (protons, pions et kaons restants). A sa suite, deux détecteurs à muons mesureront le flux de muons produits, et donc indirectement celui de neutrinos du muon.
Le faisceau de neutrinos du muon quittera finalement les galeries du CERN. Et les neutrinos, tels des passe-murailles, entameront leur course de quelque 730 km à travers l'écorce terrestre pour rejoindre le laboratoire souterrain de Gran Sasso, où deux immenses détecteurs les attendront : ceux des expériences ICARUS et OPERA.


La trajectoire du faisceau de neutrinos du CERN jusqu'au laboratoire de Gran Sasso situé sous 1400 mètres de roches, à 120 km de Rome.

Structures souterraines
Toutes les structures souterraines du projet sont aujourd'hui réalisées. 45000 mètres cubes de déblais ont été excavés depuis septembre 2000. En mars 2002, le tunnelier finissait de creuser la molasse du bassin lémanique, de la chambre cible en passant par le tunnel de désintégration, et jusqu'à l'emplacement du «hadron stop». En plus des haveuses classiques, une haveuse programmée à l'aide d'un petit ordinateur de bord a permis d'améliorer les cadences d'excavation dans les endroits les plus difficiles.
Le bétonnage s'est déroulé au fur et à mesure de l'avancée des travaux. « Pour la première fois au CERN, les galeries d'accès ont été finies au béton projeté, ce qui rend leurs parois moins lisses que celles des tunnels. Comme il ne sera pas non plus nécessaire de peindre ces galeries, nous gagnons du temps et de l'argent », précise Natacha Lopez.
C'est le consortium SCS - Spie Batignolles (France), Condotte d'Acqua (Italie) et Sotrabas (France) - qui a assuré les travaux, tandis que le consortium GIBB (Royaume-Uni) - Hellas (Grèce) les supervisait. L'entreprise française Norisko a, quant à elle, coordonné la sécurité. Le montant des travaux de cette première phase s'élève à 26 millions de francs suisses sur un coût global de 77.6 millions de francs suisses pour l'ensemble du projet CNGS.
Le génie civil du projet CNGS entre maintenant dans une deuxième phase. Dans moins d'une semaine et durant sept semaines, les blocs de graphite et d'acier servant à arrêter les hadrons seront mis en place dans la chambre de 26 mètres de long qui leur est destinée. Puis le tube de désintégration sera installé pour fin avril 2004, entre la chambre cible et le «hadron stop» situé dans la même caverne que le premier détecteur à muon. Les premiers éléments de ce tube à vide de 2,5 mètres de diamètre et 1000 mètres de long sont façonnés en Italie par le consortium SCJV.
La dernière étape du génie civil consistera à réaliser, de mai à juillet 2004,  les travaux de finitions et la fermeture du puits. Suivra alors l'installation des équipements sur les 3,3 km de galeries. Tout sera en place pour qu'au printemps 2006, le premier faisceau de neutrinos plonge vers le Gran Sasso.


Coupe verticale des ouvrages du projet CNGS.

Pour en savoir plus sur CNGS :
http://proj-cngs.web.cern.ch/proj-cngs

Et sur les expériences du projet :
ICARUS (Imaging Cosmic And Rare Underground Signals) : http://pcnometh4.cern.ch
OPERA (Oscillation Project with Emulsion-tRacking Apparatus) : http://opera.cern.ch

La semaine prochaine, le Bulletin consacrera deux
articles aux expériences OPERA et ICARUS :
à ne pas manquer !