Un bain de jouvence pour les accélérateurs du CERN

Dans les prochaines années et tout spécialement en 2005, les accélérateurs du CERN feront l'objet d'un vaste programme de rénovation pour pouvoir fonctionner avec la fiabilité et l'efficacité voulues lorsque le LHC sera mis en service.


Thomas Zickler avec l'un des aimants détériorés du PS dans l'atelier de réparation des aimants.

En effet, lors de sa mise en service, le LHC devra pouvoir compter sur les performances optimales d'un Complexe Injecteur extrêmement fiable. Grâce à un programme spécial de perfectionnement, son Complexe Injecteur a déjà démontré sa capacité à fournir des faisceaux de protons proches des exigences du LHC. De nouvelles améliorations sont en cours afin de le mettre à niveau pour les ions.
Il a cependant fallu arrêter le synchrotron à protons (PS), vieux de 45 ans, pendant deux semaines en 2003 et son injecteur, le Booster vieux de 32 ans, pendant une semaine en 2004, au détriment de plusieurs expériences de physique. Les machines ont été réparées, mais ce n'est pas la première fois que les plus anciens accélérateurs du système d'injection accusaient des signes de vieillesse. Pour que la chaîne d'injection du LHC soit tout à fait op? ?rationnelle lors de la mise en service de la machine, le PS et les autres accélérateurs bénéficieront d'un « programme de rénovation optimisé ».
Du fait de la nécessité d'économiser des ressources au profit du projet LHC, il n'a pas été possible d'assurer le même niveau de maintenance au cours des quelque dix dernières années. Pendant cette période, la maintenance préventive a cédé le pas à la maintenance corrective, qui prévoit de ne réparer des éléments qu'en cas de panne.
La rénovation consiste à remplacer des pièces parvenues au terme de leur vie et à améliorer des éléments et des systèmes obsolètes. La mise en oeuvre du programme de rénovation optimisé pour les accélérateurs est onéreuse : elle exige d'imputer quelque 8 MCHF sur le budget annuel du matériel.
Le programme de rénovation vise à identifier les problèmes potentiels avant qu'ils ne perturbent l'exploitation. Concevoir un programme efficace est un véritable défi, car chaque élément de l'accélérateur doit être examiné. Le risque de défaillance d'un élément donné et les perturbations qu'il pourrait engendrer sont déterminés pour chaque système. Le calendrier de maintenance donne la priorité aux éléments susceptibles de causer les plus gros problèmes. Aucun programme de rénovation ne saurait toutefois rester figé et les équipes travaillant sur les accélérateurs doivent intervenir au gré des circonstances pour résoudre les problèmes inattendus à mesure qu'ils se présentent. Par exemple, il a récemment fallu arrêter le PS plusieurs jours à la suite d'une panne d'un tout nouvel aimant à septum (un élément crucial utilisé pour extraire une partie du faisceau tandis que l'autre continue à circuler sans perturbation dans l'anneau).
Le système d'injection du LHC est composé du Linac 2, du PS, du Booster et du Supersynchrotron à protons (SPS) pour les faisceaux de protons, ainsi que du Linac 3, de LEIR, du PS et du SPS pour les faisceaux d'ions.
Naturellement, les éléments du PS, le plus vieil accélérateur en service au CERN, si ce n'est dans le monde, figurent en bonne place sur la liste des priorités pour la rénovation.

Le Synchrotron à Protons (PS)
Le PS a accéléré un faisceau à l'énergie nominale de 24 GeV pour la première fois le 24 novembre 1959. Il reposait alors sur une technologie novatrice qui s'est avérée très bien choisie. Grâce à des améliorations constantes, l'intensité de son faisceau n'a cessé d'augmenter (elle est aujourd'hui des milliers de fois plus élevée qu'à l'origine) et le PS peut accélérer divers types de particules (protons, antiprotons, ions, électrons et positons). Pourtant, il comporte encore bon nombre de ses éléments originels.
Néanmoins, l'action conjuguée de la dégradation des matériaux organiques soumis aux radiations et de la fatigue mécanique due aux forces magnétiques pulsées a amené une certaine détérioration du PS. Les éléments touchés comprennent l'isolation de la bobine principale, l'isolation des enroulements polaires et l'isolation des amenées de courant. En cas de panne de ces éléments, des courts-circuits peuvent endommager les aimants. C'est ce qui s'est produit lors des essais haute tension qui ont précédé le redémarrage du PS au printemps 2003 : pour la première fois au cours de leur longue carrière, deux aimants et une barre omnibus sont tombés en panne, ce qui a exigé cinq semaines de réparation (voir Bulletin 19/2003). Ces aimants ont été transportés à l'atelier du bâtiment 151 pour y être remis à neuf à l'aide de pièces de rechange.


Vue prise dans l'anneau du PS, en 1964.

L'atelier
Le programme de rénovation en cours permettra la remise à neuf des aimants du PS ainsi que de plusieurs autres éléments essentiels en tirant le meilleur parti de l'occasion unique qu'offre le long arrêt de l'installation entre novembre 2004 et fin 2005. Durant cette période prolongée, on espère rénover environ 50 % des aimants du PS, en profitant de la baisse de la radioactivité, qui réduira l'exposition des spécialistes durant les r? ?parations.
Après 45 ans de bons et loyaux services, et grâce à un programme de rénovation renforcé, le PS poursuivra sa brillante carrière au moins pendant toute la durée de vie du LHC, jusqu'en 2020 et peut-être même au-delà.


Dégradation de l'isolation du câble des enroulements polaires (PFW) due au vieillissement et aux rayonnements ionisants, l'une des raisons motivant la remise à neuf des principaux aimants du PS.