Ciel dégagé pour CLOUD

En approuvant l'expérience CLOUD, le CERN va bientôt contribuer à la recherche sur le climat. Destinée à évaluer l'influence du rayonnement cosmique dans la formation de nuages, CLOUD teste son premier prototype.


Une partie de l'équipe de CLOUD devant le prototype de détecteur de l'expérience sur la ligne de faisceau T11 du PS au CERN.

Pour la première fois au monde, un faisceau de particules va servir à étudier le climat. Les tests sur un prototype préfigurant l'expérience CLOUD (Cosmics leaving outdoor droplets) viennent de démarrer. Un faisceau de pions, délivré par l'accélérateur PS, simule une pluie de rayons cosmiques qui vient frapper le prototype.

Les objectifs principaux de cette première phase sont de tester la conception technique de CLOUD tout en conduisant les premières études dans un faisceau de particules sur l'influence des rayons cosmiques dans la formation des couches nuageuses à basse altitude. «Si on parvient à mettre en évidence une interaction significative, il sera alors possible de prendre en considération les rayons cosmiques dans de futurs modèles climatiques», explique Jasper Kirkby, porte-parole de CLOUD.

L'évolution du climat relève de mécanismes complexes. Sa modélisation nécessite de prendre en compte une foule de paramètres. Aucun des modèles proposés aujourd'hui par les climatologues n'intègre les rayons cosmiques. Ils pourraient pourtant jouer un rôle important. Si on remonte dans le temps, on se rend compte que les variations de la température à la surface du globe présentent une troublante correspondance avec celles du rayonnement cosmique. Ces données sont notamment obtenues par les paléoclimatologues qui parviennent à reconstituer à la fois le climat et le niveau de rayonnement cosmique en analysant des carottes de glace polaire. On observe ainsi que la température à la surface du globe baisserait avec l'augmentation du rayonnement cosmique. Il semblerait également que la couverture nuageuse à basse altitude de la Terre soit liée à l'intensité du rayonnement cosmique, comme le laissent penser des observations par satellite.

C'est de là qu'est née l'idée de l'expérience CLOUD. Le phénomène s'expliquerait par le fait que les rayons cosmiques participeraient à la formation de gouttelettes d'aérosols et au développement de la couche nuageuse. Ce sont ces mécanismes physiques que CLOUD va tenter de décrypter.

L'expérience est constituée d'une chambre à réaction de deux mètres de diamètre et d'une chambre à nuages de 50 centimètres de diamètre dans lesquelles il sera possible de reproduire des conditions atmosphériques très précises. Ces sortes de grandes cocottes-minute serviront en quelque sorte à fabriquer des nuages. «Ça va être comme de la cuisine. On va mettre tous les ingrédients dans la marmite, on va 'arroser' de rayons cosmiques, et après on verra ce que ça donne», raconte Jasper Kirkby. De nombreux instruments de mesure et de contrôle seront associés aux deux chambres: spectromètres, détecteurs de cristaux de glaces, caméras CCD... Ils permettront de comprendre à très petite échelle les mécanismes de formation des nuages en relation avec le rayonnement.

CLOUD est une expérience interdisciplinaire. La collaboration réunit 20 instituts de 9 pays différents et rassemble les plus importants physiciens des aérosols et des nuages d'Europe et des États-Unis, ainsi que des spécialistes du Soleil, des rayons cosmiques et de la physique des particules. L'expérience finale devrait entrer en service en 2010.


Le saviez-vous?

Le rayonnement cosmique est constitué de particules accélérées à haute énergie en provenance du milieu interstellaire. Il s'agit en majorité de protons. Ce rayonnement proviendrait pour l'essentiel de l'explosion de supernovae qui correspond à la fin de vie de certaines étoiles. Le Soleil émet lui aussi un tel rayonnement, mais dans des niveaux d'énergie plus faibles.

Trois facteurs peuvent expliquer les variations d'intensité du rayonnement cosmique selon des échelles de temps croissantes: les variations du vent solaire, les changements du champ magnétique terrestre et le déplacement du Soleil dans la galaxie.