Wolfgang Schnell (1929 - 2006)
Wolfgang Schnell nous a quittés le 2 octobre après une maladie qu'il a supportée avec courage et lucidité. Wolfgang était l'un des pionniers du CERN; tout au long de sa carrière, il a apporté de nombreuses contributions importantes dans le domaine de la physique et de la technologie des accélérateurs. Après avoir obtenu un diplôme de physique à l'Université de Heidelberg, il a travaillé à l'Institut Max-Planck avant d'intégrer en 1954 l'équipe qui devait construire le PS.
Au sein du groupe dirigé par Chris Schmelzer en 1959, il a fait faire un pas décisif au PS. Durant la période de rodage, le PS connaissait des pertes de faisceau importantes lors de l'accélération. Grâce au système d'asservissement de phase construit par Wolfgang, le faisceau a pu passer immédiatement à 24 GeV sans pratiquement aucune perte. Par la suite, Wolfgang montrera avec fierté la boîte de café dans laquelle a été construite l'électronique de ce système.
Wolfgang est ensuite devenu membre de l'équipe de conception qui a étudié la génération suivante d'accélérateurs appelés à succéder au PS: le Supersynchrotron à protons (SPS) et les anneaux de stockage à intersection (ISR), en leur apportant des contributions importantes.
Il a émis l'idée d'une structure d'onde progressive dans le synchrotron de 300 GeV pour l'accélération des particules, qui sont presque relativistes à l'énergie d'injection. Ce type de structure est encore utilisé au SPS, et continue fidèlement à accélérer les protons et les ions depuis 1976.
Les ISR, premier collisionneur proton-proton, ont fonctionné de 1973 à 1983. Ce fut Wolfgang qui dirigea la conception et la construction du système radiofréquence, puis apporta de nombreuses améliorations pendant toute la durée de vie de l'installation. Il était chargé du rodage et des améliorations de performance de cet accélérateur complexe (dont la luminosité finale était 30 fois supérieure à la luminosité nominale). Au cours de cette période, il a découvert le signal Schottky transversal, type de bruit produit par le mouvement transversal aléatoire des particules. Cette découverte a été immédiatement mise à profit pour une recherche sur les fréquences bêtatron du faisceau continu, qu'il était impossible de mesurer auparavant. La découverte de ce signal a conduit à une autre des réalisations exceptionnelles de Wolfgang: la remise à l'honneur et la première démonstration expérimentale de la notion de refroidissement stochastique des faisceaux, se fondant sur le concept inventé par Simon van der Meer en 1968, lequel avait été considéré à l'époque comme n'ayant aucune application pratique. Cette découverte a ouvert la voie au refroidissement antiproton et, par conséquent, aux collisions proton-antiproton, technique qui a été utilisée avec un grand succès dans le SPS et est encore en usage au Tevatron.
En 1983, les ISR ont été fermés pour laisser la place au LEP, et Wolfgang a été l'un des chefs du groupe d'étude initial. Il est devenu ensuite un élément important du groupe RF du LEP, qui a construit le système radiofréquence le plus vaste et le plus complexe du monde, à base de cavités en cuivre. La même année, il a été le premier (avec S. Myers) à présenter un article sur les paramètres d'un futur collisionneur proton-proton dans le tunnel du LEP (le LHC actuel). Il a participé activement à la réflexion sur l'avenir du CERN menée en 1985. Dans ce cadre, il a proposé une variante plus pratique du dispositif à deux faisceaux prévu pour un collisionneur linéaire e+e-, qui pourrait atteindre les plus hautes énergies; le projet est encore à l'étude au CERN sous le nom de Collisionneur linéaire compact (CLIC). Wolfgang a dirigé les travaux sur ce thème avec un grand enthousiasme pendant près de 10 ans et, même après sa retraite, a continué d'y contribuer par plusieurs idées innovantes.
Son travail a été mondialement reconnu: il était membre de plusieurs comités internationaux de haut niveau, avait reçu le Prix des meilleures réalisations en physique et technologie des accélérateurs aux États-Unis et il était docteur honoris causa de l'Université de Heidelberg. Il a joué un rôle majeur dans la gestion du CERN en tant que chef de département, chef de division et membre éminent de comités et d'équipes de projet. Il était bien connu pour sa gestion efficace, qui ne l'empêchait pas de rester attentif aux aspects essentiels.
Wolfgang restera dans les mémoires comme un ami et un collègue ayant une étonnante capacité de créer un esprit d'équipe; c'était un chef naturel dont l'enthousiasme était contagieux. Il était toujours disponible pour les jeunes, pour lesquels il se montrait un mentor patient. Il conservait des contacts étroits avec les techniciens et les équipes des ateliers afin de suivre les événements de près et de rester ancré dans la réalité.
Nombre d'entre nous sont fiers d'avoir fait partie d'une de ses équipes et d'avoir eu l'honneur de travailler avec lui. Il nous manquera beaucoup. Nous avons une pensée pour sa femme et lui adressons toutes nos condoléances.
Ses collègues et amis
