Un nouveau fil supraconducteur pour les accélérateurs du futur

Le projet CARE/NED a permis de mettre au point un nouveau fil supraconducteur capable d'atteindre des intensités très élevées (1400 ampères) dans des champs magnétiques très importants (12 teslas).


Coupe du fil supraconducteur CARE/NED produit par la société SMI.

A l'aube d'une nouvelle ère de la physique des particules ouverte par le LHC, la technologie ne cesse d'évoluer pour s'adapter aux besoins de la recherche de demain. Les collisionneurs de la prochaine génération ainsi que les futures versions améliorées des machines actuelles exigeront des champs magnétiques nettement plus élevés pour dévier et focaliser les faisceaux de particules.

NED (Next European Dipole) fait partie des projets ayant pour défi de repousser les limites actuelles de la technologie (voir: À propos du projet NED). Les aimants du LHC utilisent le niobium-titane (NbTi) comme matériau supraconducteur, qui est capable de produire des champs magnétiques de 8 à 10 T (teslas). Pour dépasser cette limite, il est nécessaire de changer de matériau et d'adapter les techniques de fabrication. Le projet NED évalue actuellement l'efficacité du niobium-étain (Nb3Sn), à même de doubler au moins le champ magnétique qu'il est possible d'atteindre avec le niobium-titane. En collaboration avec des entreprises européennes, les partenaires du projet NED s'attachent essentiellement à développer des câbles Nb3Sn hautement performants, destinés à être utilisés dans des aimants d'accélérateurs à champ élevé. Le programme de développement de conducteurs du projet NED, dirigé par le CERN, vise à fournir des câbles supraconducteurs d'une performance et d'une qualité homogènes sur des longueurs unitaires de plusieurs centaines de mètres.

Pour satisfaire aux exigences ambitieuses du projet NED, il faut relever plusieurs défis. L'un d'eux est d'obtenir une densité de courant critique élevée dans un brin de 1,25 mm de diamètre. Chaque brin est constitué de filaments en niobium-étain, insérés dans une matrice de cuivre à faible résistivité. Le diamètre effectif des filaments des brins en niobium-étain est en règle générale sensiblement plus grand que le diamètre des filaments des brins en niobium-titane (6 à 7μm). Réduire le diamètre des filaments tout en préservant une densité de courant élevée est l'une des nombreuses difficultés qui se posent lors du processus de développement technologique. L'un des objectifs de NED est de ramener ce diamètre à 50μm. D'autres difficultés apparaissent lors de la mise en forme des fils. En effet, une fois formée, la phase Nb3Sn devient fragile, ce qui limite le taux de déformation applicable.

Sous contrat avec le CERN, ShapeMetal Innovation (SMI) - une société basée aux Pays-Bas - a mis au point, dans le cadre du projet NED, un brin constitué de 288 filaments Nb3Sn. Ce brin a permis d'atteindre un courant critique record d'environ 1400 A (ampères), à une température de 4,2 K (kelvins) et sous un champ magnétique de 12 T (soit une densité de courant critique d'environ 2500 A/mm2 hors parties en cuivre). La forte intensité électrique et la finesse des filaments obtenues par l'entreprise SMI sont sans précédent à ce niveau de densité de courant. Pour preuve, les performances d'autres brins Nb3Sn actuellement utilisés dans deux autres projets: le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) emploie des fils de 0,81 mm de diamètre, mais le courant critique est sept fois inférieur (200 A à 4,2 K et 12 T) à celui obtenu par SMI; le programme américain LARP (LHC Accelerator Research Program), quant à lui, utilise des fils de 0,7 mm de diamètre constitués de filaments présentant des diamètres effectifs compris entre 70 et 80μm et permettant d'atteindre un courant critique plus de deux fois inférieur (600 A à 4,2 K et 12 T).

Les fils conçus pour l'accélérateur devront en outre résister au processus physique du câblage. Pour évaluer cette capacité, les fils de SMI ont été soumis à des essais de déformation consistant en un laminage dans différentes conditions. Ces essais ayant été concluants, les fils déformés font actuellement l'objet d'essais de caractérisation électrique.

La prochaine étape pour l'entreprise SMI consistera à réaliser les essais de câblage et à démontrer sa capacité à fabriquer les fils en grande quantité. Les responsables du projet NED envisagent d'utiliser ces câbles ainsi que ceux que développe actuellement l'entreprise Alstom/MSA, en France, pour fabriquer de petites bobines de démonstration et produire, pour 2009, des modèles d'aimant dipolaire de 1 mètre de longueur. Si tout se passe bien, la technologie Nb3Sn pourrait être utilisée dans le LHC en 2015, lorsqu'il faudra remplacer certains des aimants des régions d'interaction pour améliorer les performances en luminosité de la machine. Les résultats sans précédent décrits ci-dessus offrent au projet NED des perspectives encourageantes pour la fabrication d'aimants Nb3Sn fiables.


À propos du projet NED

Coordonné par le CEA (France), NED est un programme auquel collaborent le CCLRL/RAL (Royaume-Uni), le CERN, le CIEMAT (Espagne), l'INFN-Gênes et l'INFN-Milan (Italie), l'Université de Twente (Pays-Bas) et l'Université de technologie de Wroclaw (Pologne).

Il dispose d'un budget total de 2 millions d'euros, dont la moitié provient du programme CARE (Coordinated Accelerator Research in Europe) - un grand projet financé par l'Union européenne qui a débuté en 2004 et auquel participent la plupart des universités et des laboratoires européens travaillant sur la physique et la technologie des accélérateurs.