La balle dans le camp du LHC

Une technique utilisant une balle dotée d’un émetteur a été testée avec succès sur le secteur 7-8. Parcourant les tubes de faisceau, la balle permet de vérifier les interconnexions du LHC.

Le groupe pluridisciplinaire qui a mené le projet de balle RF pour vérifier les interconnexions avec, de gauche à droite, Rhodri Jones (AB/BI), Eva Calvo (AB/BI), Francesco Bertinelli (AT/MCS), Sonia Bartolome Jimenez (TS/IC), Sylvain Weisz (TS/IC), Paul Cruikshank (AT/VAC), Willemjan Maan (AT/VAC), Alain Poncet (AT/MCS) et Marek Gasior (AB/BI).

Lors des tests, la balle est insérée dans la chambre à vide avec beaucoup de précaution.

Le LHC joue au ping-pong. Le 13 septembre, une équipe procédait à un drôle de test dans le secteur 7-8 de l’accélérateur. Une balle, à peine plus petite qu’une balle de ping-pong, était introduite avec précaution dans l’un des deux tubes à vide de l’accélérateur. La balle parcourait 800 mètres dans le tube en une poignée de minutes grâce à un système de pompage installé à l’autre extrémité.

Loin d’être une banale sphère, la balle renferme un émetteur développé par le groupe d’Instrumentation de faisceau du département AB (AB-BI). Les signaux de 40 MHz émis par l’émetteur sont reçus par les moniteurs de positionnement de faisceau (BPM, Beam Position Monitor) placés tous les 50 mètres le long des chambres à vide. Il est ainsi possible de suivre sur un ordinateur les positions successives de la balle, en réceptionnant les signaux des BPM.

Cette expérience originale devait démontrer la possibilité de contrôler les intercon
nexions d’un secteur sans l’ouvrir. Au moment du réchauffement du secteur 7-8, le premier à avoir été refroidi à 1,9 Kelvin (voir Bulletin n° 16-17/2007), les équipes ont en effet décelé un défaut sur une interconnexion. Un module enfichable assurant la continuité électrique de la chambre à vide («plug-in» module ou PIM) s’était détérioré lors du réchauffement (voir ci-dessous).

Les cryostats de ce secteur ont été ouverts durant l’été afin de vérifier toutes les interconnexions. Des radiographies ont révélé quatre autres modules défaillants. Mais ouvrir un secteur est une opération lourde et longue : «Il faut trois semaines pour l’ouvrir et cinq semaines pour le refermer», indique Sylvain Weisz, du groupe TS-IC. Une idée plus simple germe alors. « Nous avons pensé qu’il serait plus rapide d’envoyer un émetteur dans les aimants et de déclencher les moniteurs de positionnement de faisceau », poursuit Sylvain Weisz.

L’équipe imagine de faire rouler une balle renfermant un émetteur dans les tubes de faisceau. Son diamètre est de 34 millimètres, juste un peu en dessous des 36 millimètres de l’écran de faisceau, afin de pouvoir être arrêté par les obstacles ! Son parcours est suivi tous les 50 mètres par les signaux des moniteurs. L’absence d’un signal indique que la balle a été stoppée : il suffit alors de concentrer les recherches sur les quelques interconnexions situées entre deux moniteurs de positionnement de faisceau.

La solution paraît simple mais... saugrenue. On ne peut en effet envoyer sans précaution un objet à l’intérieur d’un tube à vide qui a fait l’objet de soins méticuleux pour atteindre les conditions de propreté nécessaires à l’ultra vide. Toutefois, la méthode s’est vite imposée du fait de sa simplicité et de son efficacité. Les différents groupes concernés - AB-BI pour les BPM, AT-VAC pour le vide, AT-MCS pour les interconnexions, TS-MME pour les matériaux et TS-IC pour l’installation - ont mis en commun leur savoir-faire pour la mettre en œuvre dans les délais les plus brefs.

Le 13 septembre, les équipes procédaient à un premier test concluant. La balle révélait un sixième module défectueux. Depuis, l’équipe a réalisé de nouveaux tests afin de régler l’aspiration et la vitesse de la balle.

Le secteur 4-5, actuellement en cours de refroidissement et qui sera ensuite réchauffé, sera le prochain à utiliser cette méthode pour localiser d’éventuels modules défectueux. L’autre avantage de ce système astucieux est de tester avant l’heure le bon fonctionnement des moniteurs de positionnement de faisceau.

Saviez-vous?

Les modules assurant la continuité électrique («plug-in» modules ou PIM) sont installés à l’interconnexion des chambres à vide des ensembles d’aimants de l’accélérateur. Leur rôle est d’assurer la continuité électrique le long de la chambre à vide afin que les courants dits «miroirs», induits par le faisceau sur les parois du tube, puissent circuler librement. Une résistance à ce niveau (on parle plutôt ici d’impédance) serait à l’origine de points d’échauffement et réduirait l’intensité du faisceau circulant. Les PIM se présentent sous la forme de lames en cuivre (les doigts) qui peuvent glisser le long d’un cylindre. Ce système permet d’absorber la contraction et la dilatation des éléments de la machine lors des refroidissements et réchauffements. Chaque module s’allonge ou se rétracte de 40 millimètres environ, tout en assurant la continuité électrique grâce au contact des doigts sur le cylindre dans lequel ils glissent. Lorsque le secteur 7-8 a été réchauffé, six modules sur les 366 de l’arc se sont détériorés, avec des doigts tordus dans l’espace réservé au faisceau. Les doigts en question n’avaient pas glissé correctement alors que les tubes à vide revenaient à leur longueur initiale pendant le réchauffement jusqu’à température ambiante.