CLOUD: la physique dans les nuages

À l’heure où les expériences LHC procèdent aux derniers réglages dans l’attente des prestigieux faisceaux, l’expérience CLOUD vient de terminer sa phase d’assemblage et commence l’acquisition de données grâce à un faisceau de protons issu d’un accélérateur vieux de 50 ans, le Synchrotron à protons (PS). Voici un tour d’horizon rapide d’une expérience de physique de pointe qui s’intéresse au climat.


 
Jasper Kirkby photographié dans la chambre à aérosols de l’expérience CLOUD.
 
Parmi tant d’expériences menées dans le monde pour comprendre les facteurs influant sur le climat de la planète, CLOUD est la seule à utiliser un accélérateur de particules. «L’intérêt du faisceau de protons fourni par le PS est qu’il nous permet d’ajuster l’intensité du ‘rayon cosmique’ produit. Nous pouvons ainsi reproduire la variation du flux de particules dans l’atmosphère entre le niveau du sol et les couches les plus élevées de la stratosphère (une variation d’un facteur 100)», explique Jasper Kirkby, porte-parole de l’expérience CLOUD.

De nombreuses observations semblent indiquer que les particules qui pénètrent dans l’atmosphère pourraient avoir une incidence sur la formation des nuages et, par conséquent, sur le climat de la planète, poursuit Kirkby.  Toutefois, étant donné la complexité du climat et le grand nombre de paramètres en jeu, il n’existe encore aucune certitude à cet égard».

Le détecteur de CLOUD, unique en son genre, est conçu pour aborder cette question. «Pour la première fois, nous allons effectuer des mesures quantitatives et définitives de la microphysique sous-jacente, explique Kirkby. L’expérience CLOUD a été conçue pour suivre tous les processus déclenchés dès la naissance des embryons d’aérosols, qui grossissent ensuite suffisamment pour former ce qui deviendra des gouttelettes constituant les nuages. CLOUD permettra également d’étudier les effets des rayons cosmiques sur ces gouttelettes et les particules de glace ».

À l'intérieur de la chambre à aérosols de CLOUD

Le caractère exceptionnel de l’expérience CLOUD réside également dans le fait que les paramètres susceptibles d’avoir des effets sur la formation des nuages peuvent être contrôlés en laboratoire. «Il existe un nombre gigantesque de variables distinctes que nous devons étudier, depuis les substances chimiques présentes jusqu’aux différentes températures des gaz, explique Kirkby. Nous pourrons régler la température de la chambre à nuages entre -90 °C et +40 °C, ce qui correspond en gros à l’ensemble des températures de l’atmosphère, des parties les plus froides de la stratosphère aux plus chaudes de la troposphère».

Le changement climatique fait partie des priorités des gouvernements et des spécialistes dans le monde entier. L’expérience CLOUD a pour ambition d’aborder à son tour cette question. «L’un de nos collaborateurs, de l’Université de Leeds au Royaume-Uni, a créé un ‘modèle mondial’ des différents processus de formation des nuages qui peuvent avoir une influence sur le climat, explique Kirkby. En utilisant ce modèle, nous pourrons évaluer comment se traduisent du point de vue climatique les résultats obtenus grâce à CLOUD».

L'expérience CLOUD dans le hall Est du PS.

L’idée d’utiliser un faisceau de particules pour simuler les rayons cosmiques date de 1997. L’expérience CLOUD a été approuvée en 2006 et peut dès aujourd’hui commencer la phase d’acquisition de données grâce à la nouvelle chambre à aérosols. «Si tout se passe bien, et si les résultats physiques sont importants, nous pourrons peut-être continuer l’acquisition de données pendant une douzaine d’années, explique Markku Kulmala, chef de la Division des sciences de l’atmosphère à l’Université d’Helsinki. Les premiers résultats devraient arriver assez rapidement. Certains seront disponibles en temps réel, dès que nous mettrons l’équipement en marche. Les résultats d’une analyse plus quantitative seront disponibles d’ici un an environ».

Regardez l'interview vidéo (en anglais):





par CERN Bulletin