Sept jours remarquables

Le CERN vient de vivre une semaine exceptionnelle. Tout est allé si vite qu’il a parfois été difficile de faire la part entre la réalité et la fiction, d'autant que les événements semblaient parfois trop beaux pour être vrais.

Cette semaine a été celle de toutes les premières. Lundi, pour la première fois, nous avons obtenu deux faisceaux «capturés» dans le LHC. Pour la première fois le LHC a fonctionné en tant qu’accélérateur et les particules ont été portées à une énergie de faisceau jamais atteinte à ce jour au CERN. Des collisions proton-proton de la plus haute énergie jamais atteinte au Laboratoire ont été produites; notre précédent collisionneur de hadrons, le SPS, était un collisionneur proton-antiproton, une machine techniquement plus simple que le LHC. Les succès enregistrés cette semaine sont d’autant plus remarquables compte tenu de la complexité du LHC. Contrairement au SPS, le LHC contient deux accélérateurs et non un, ce qui rend la mise en service deux fois plus difficile.

Je tiens à remercier chaleureusement et à féliciter tous ceux et celles qui ont accompli ce formidable travail, redonnant vie au LHC cette semaine, ainsi que toutes ces petites mains qui ont travaillé sans relâche pendant 14 mois depuis ce jour malheureux de septembre jusqu'à aujourd’hui. La tâche, gigantesque, a compté cinq phases distinctes (réparation, consolidation, mise en service du matériel, préparation au faisceau et enfin exploitation), toutes également importantes.

La dernière phase a été la plus médiatisée. On en a parlé dans le monde entier, mais sans les quatre phases précédentes, elle n’aurait pas été possible. Le système cryogénique est l’une des grandes réussites du redémarrage du LHC. Le battage fait autour de la mise en circulation du faisceau cette semaine ne doit pas faire oublier que, depuis le 8 octobre, le LHC est resté invariablement froid, presque sans aucun accroc. Ce seul fait constitue une remarquable avancée par rapport à l’an dernier.

Les nouveaux systèmes de protection des aimants sont également également tout à fait exceptionnels. La connexion défectueuse responsable de l’incident du 19 septembre présentait une résistance de 220 nano-ohms. Nous pouvons désormais mesurer les résistances des connexions et les suivre en continu jusqu’à moins d’un nano-ohm. C’est pour le moins rassurant.

Pour accomplir tout cela, les équipes du CERN ont retroussé leurs manches et travaillé sans relâche. Elles ont été secondées par les personnels d’instituts et de laboratoires partenaires du monde entier, qui ont proposé leur aide spontanément. Je leur adresse à tous mes remerciements les plus sincères.

Au moment où tous les regards sont de nouveau braqués sur le LHC, j’aimerais rendre hommage à quelques autres groupes. Le Centre de contrôle du CERN est composé de quatre îlots. L’un est consacré au LHC, les trois autres contrôlent et surveillent l'infrastructure technique du CERN, le complexe PS et le SPS. Pour que le LHC marche, tous doivent fonctionner parfaitement. Et c’est le cas. Alors que cette semaine marque le 50e anniversaire du PS, ce n'est pas un mince exploit. Le complexe d’injection a même réussi à emmener des ions plomb jusqu’au LHC dès la première tentative, ce qui est de bon augure pour la fin de la période d’exploitation de 2010. Et dans une salle de contrôle distincte, au point 4, les équipes RF ont déployé des efforts remarquables pour capturer les faisceaux dès le top départ et les accélérer du premier coup.

Enfin, il ne faudrait pas oublier tous les autres services grâce auxquels tout fonctionne : le département GS pour les systèmes d’accès et de sécurité, les départements HR et FP, qui ont fait preuve de souplesse au moment où l’on en avait le plus besoin, et la Commission de sécurité qui a veillé à ce qu’aucun aspect de la sécurité ne soit omis, pour ne mentionner que ceux-là. En résumé, le LHC est un magnifique travail d’équipe.

Cette semaine a été un succès. Toutefois, nous devons relativiser. Les prouesses réalisées cette semaine sont fantastiques, et le travail accompli auparavant l’est tout autant. Mais nous devons nous souvenir qu’il reste encore beaucoup à faire avant que le programme de physique au LHC ne commence. D’ici à la fin de l’année, une phase intense de mise en service de systèmes nous attend afin de pouvoir fournir aux expériences des faisceaux de bonne intensité à des fins d’étalonnage. Ensuite, nous pourrons envisager de monter en énergie en 2010 et commencer réellement à faire de la physique. Tout a bien commencé, mais le meilleur reste à venir.

Steve Myers, directeur des accélérateurs et de la technologie


Le premier rapport sur le LHC a eu lieu le 26 novembre 2009. Les présentations et la vidéo sont disponibles ici (en anglais seulement).