Bonne journée mondiale IPv6 !

Presque vingt ans après la publication par Tim Berners-Lee d’un résumé de son projet d’un World Wide Web, on compte plus de deux milliards d’utilisateurs dans le monde, et des milliards et des milliards de pages web. Internet a transformé notre façon d’appréhender les relations sociales et professionnelles, et même notre démarche scientifique. Malheureusement, le nombre d’adresses Internet disponibles n’a pas suivi une évolution à la mesure de ces changements.
Le nombre d’adresses est plafonné en raison du mode de fonctionnement d’Internet. Les données sont acheminées via Internet sous forme de paquets d’informations, qui encodent leur provenance et leur destination au moyen d'adresses numériques. On appelle Protocole IP la couche de communication utilisée. On en doit l’invention à Vint Cerf, ancien directeur de programme à la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) et actuel vice-président de Google (États-Unis), où il est également « chef évangéliste de l’Internet ». Il siège également dans de nombreuses commissions, notamment à la Commission pour le développement digital depuis 2010.

Les adresses IPv4, qui sont utilisées aujourd’hui, sont codées sur 32 bits, ce qui ne leur permet de supporter qu’environ quatre milliards d'adresses uniques. Il y a vingt ans, quatre milliards semblait être un grand nombre. Pourtant, en février 2011, les sociétés gérant les adresses IP, à savoir l’ICANN (Internet Corporation For Assigned Names and Numbers) et l’IANA (Assigned Numbers Authority), ont annoncé que les derniers blocs IPv4 avaient été attribués aux registres Internet régionaux. À peine deux mois plus tard, l’APNIC (Asian Pacific Network Information Centre) attribuait l’ultime groupe d’adresses à l’Asie et au Pacifique.

La solution à ce problème, auquel on s'attendait depuis longtemps, est de remplacer IPv4 par IPv6, un système de codage 128 bits qui permet de créer des milliards de milliards de milliards de milliards d’adresses IP. Le protocole IPv6 a été décrit pour la première fois en 1998, mais son déploiement a été lent jusqu'à présent. Aujourd’hui, en raison de l’épuisement attendu des adresses IPv4 d’ici fin 2011, ce n’est plus le cas.


Adapter la grille du LHC à IPv6
Lors de sa mise en place, Ipv6 va coexister avec Ipv4. Son adoption par les services et les sociétés Internet a lieu très lentement, ce qui est compréhensible, dans la mesure où elle nécessite de changer le langage de tous les dispositifs connectés à Internet. Actuellement, seulement 0,34 % de l'ensemble des utilisateurs peuvent utiliser IPv6.

C’est un problème d’envergure, auquel toutes les grilles de calcul auront également à faire face, car elles nécessitent l'utilisation d'adresses IP pour transférer les données entre utilisateurs du monde entier. Par exemple, si la grille de calcul du LHC restait sur IPv4, « nous ne pourrions pas communiquer avec certains de nos utilisateurs, en particulier ceux de l'Asie-Pacifique, explique Jean-Michel Jouanigot, chef du groupe Systèmes de communication au sein du Département IT du CERN. Le CERN ne pourrait pas remplir sa mission, qui est de donner l’accès à la totalité de nos usagers. » Jean-Michel Jouanigot explique la situation plus en détails : « Nous avons lancé, il y a plus d’un an, un plan ambitieux pour que nos infrastructures soient prêtes au passage à IPv6. Ça va durer encore plusieurs années et il y aura du pain sur la planche pour tester l'ensemble de nos dispositifs et de nos systèmes et adapter la structure de gestion de notre réseau. Mais la mise à niveau de toutes les applications, qu’elles soient publiques, commerciales ou qu’elles aient été développées en interne, va exiger encore davantage de moyens. »

Aujourd’hui, le nombre de demandes d’adresses IP est tellement élevé que les sociétés qui en réclament de nouvelles doivent se justifier. « C’est le déclic du changement, affirme le chef de groupe. Les grandes sociétés se sont montrées hésitantes à l’idée de dépenser des millions pour changer leurs équipements de réseau. Bien que le protocole ait été défini il y a quelque temps, sa mise en place est loin d’être finie et de nombreux dispositifs ne sont pas prêts. » « Cette situation est analogue à celle du bug de l’an 2000 », ajoute Jean-Michel Jouanigot, en référence à la fin des années 1990, où l’on s’attendait à ce que les systèmes informatiques plantent au moment du passage à l’an 2000. Aujourd’hui, IPv6 représente un défi plus grand encore.

Pour faciliter le passage à IPv6, l’Internet Society a programmé le World IPv6 day. Le 8 juin dernier, les réseaux W3C, Google, Facebook et Limelight Networks, entre autres, ont réalisé un « vol d’essai » IPv6 à l’échelle mondiale, dans le but d'encourager les fournisseurs de services Internet, les fabricants de matériel informatique, les vendeurs de systèmes d’exploitation et les sociétés Internet à se préparer à IPv6 : ce n'est qu'en acceptant cette norme que l'on permettra aux générations futures de bénéficier d’un Internet de qualité.


La version intégrale de cet article (en anglais) a été publiée sur iSGTW.
Vous pouvez vérifier si votre réseau est prêt pour IPv6 en cliquant ici.

 

par Adrian Giordani (iSGTW)