Le succès du projet 11 tesla et son potentiel au-delà de la physique des particules

Le 7 mars, une intensité de 12,54 kA a été atteinte dans le modèle d’un mètre de dipôle à simple ouverture, actuellement testé au Fermilab, correspondant au champ sur l’axe de 11,5 tesla. L’objectif fixé pour le projet de dipôles de 11 tesla a été ainsi dépassé.

 

Image de synthèse du modèle d'aimant dipôle FNAL de 11 T, d'une longueur de un mètre, ainsi que d'une paire de bobines CERN. Image : Don Mitchell, FNAL.

Le projet de dipôles de 11 tesla est né d’une proposition faite par Lucio Rossi, coordinateur du projet LHC haute luminosité (HL-LHC), en septembre 2010. Étant donné que, si l’on produit un plus grand nombre de collisions dans le LHC, le nombre de débris frappant les aimants augmente, il a suggéré de remplacer plusieurs dipôles de 8 tesla installés dans le tunnel du LHC par des dipôles plus courts de 11 tesla, ce qui permettrait de libérer de l’espace pour installer des collimateurs supplémentaires. Pour cela, la seule solution possible est de recourir à des supraconducteurs en niobium-étain (Nb3Sn), une technologie de pointe.

La proposition concordait parfaitement avec le programme de R&D de Fermilab sur les aimants à champ élevé, qui a pour objectif de développer des aimants à bobines frettées produisant des champs de plus de 10 tesla, destinés à être utilisés dans de futures machines telles qu’un collisionneur de muons ou un très grand collisionneur de hadrons. Les deux laboratoires ont alors rapidement mis sur pied une collaboration dans le cadre du projet HL-LHC, et conçu et développé ensemble un type d’aimant à partir de bobines frettées de type cos-theta. La première phase du programme sur le modèle de dipôle de 11 tesla, actuellement en cours, vise à démontrer la performance, en ce qui concerne les transitions résistives, d’aimants courts (1-2 m) à simple ouverture. La deuxième phase portera sur la « qualité accélérateur » de la configuration à double ouverture, tout d’abord avec des modèles d’aimants de 1-2 m, avant de passer aux prototypes de dipôles de 5,5 m, compatibles avec les principaux systèmes du LHC.

Il s’agit du deuxième aimant à simple ouverture construit par le Fermilab. Un troisième prototype, en cours de construction par l'équipe de Fermilab, devra traiter une question importante, à savoir la stabilité à long terme. Néanmoins, le test réalisé le 7 mars prouve déjà que l’aimant a le potentiel d’atteindre la qualité accélérateur : il s’agit par exemple du premier aimant d’accélérateur avec un câble avec noyau (le noyau diminue notablement les courants de Foucault pendant la montée en intensité, réduisant ainsi la dépendance sur la rampe) et un filament relativement petit (36 mm).  

La conception et la fabrication du premier modèle d’aimant de 2 m avance également bien au CERN. Tout en reprenant la technologie de bobinage mise au point au Fermilab, l’équipe du CERN s’efforce d’intégrer d'autres caractéristiques intéressantes, comme l'isolation des câbles par une tresse de fibre de verre S2 et de ruban de verre-mica, l’installation de chaufferettes entre les couches, et un nouveau mode de frettage pour précontraindre les bobines en niobium-étain. « Nous sommes actuellement dans la dernière étape de la qualification des outils pour la production des bobines et, si les premiers résultats s’avèrent satisfaisants, nous comptons tester notre premier aimant à simple ouverture aux environs de septembre 2013 », indique Mikko Karppinen, responsable au CERN du projet de dipôles de 11 tesla.

Passer la barre des 10 tesla avec la technologie niobium-étain, relativement nouvelle, au lieu de la technologie niobium-titane, mieux connue, mais moins puissante, pourrait permettre aux scientifiques de concevoir des collisionneurs de hadrons pouvant atteindre une énergie de 100 TeV dans le centre de masse, soit sept fois plus que l’énergie nominale du Grand collisionneur de hadrons.

Autre avantage de la technologie niobium-étain : des applications dépassant le cadre de la physique des particules. Comme le fait observer Giorgio Apollinari, chef de la division technique de Fermilab : « Les hôpitaux disposeront de systèmes d’imagerie par résonance magnétique (IRM) équipés de Nb3Sn, qui fourniront des images plus précises grâce aux champs magnétiques élevés obtenus avec ces aimants, ce qui permettra d’améliorer les diagnostics médicaux. »


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par CERN Bulletin